David Kimelfeld : "Il faut que l'Etat entende l'expertise des territoires"

Alors qu'il a fait voter un premier plan de soutien de 100 millions d'euros à destination des acteurs du territoire, le président de la métropole de Lyon en détaille les différentes mesures tout en esquissant des pistes pour l'avenir.
(Crédits : DR)

La Tribune : Après plus d'un mois de confinement, comment la Métropole de Lyon vit-elle ce moment inédit ?

David Kimelfeld : Le confinement n'est pas homogène sur notre territoire : certains le vive de façon moins inconfortable que d'autres, dans les entreprises comme dans les foyers. Je relève une inquiétude générale du côté des entreprises, même pour celles qui ont continué en mode dégradé, sans parler de celles des commerçants et des artisans. Cette inquiétude économique est renforcée par l'instabilité des annonces : je ne jette la pierre à personne, mais il est clair que tous vont avoir du mal à croire ce que l'on va leur raconter. Pour rétablir cette confiance, l'Etat devrait être inspiré par nos collectivités. Je rappelle que les services publics de proximité qui ont été maintenus, comme la propreté, le ramassage des ordures ménagères sont ceux assurés par nos collectivités. Nous avons réglé plus vite nos fournisseurs, fait attention aux plus précaires : c'est notre réponse à la crise.

Concrètement, que suggérez-vous ?

Même si notre Préfet est très à l'écoute, l'Etat a tendance à agir dans un mode trop descendant. Il faut qu'il entende l'expertise des élus. Sur nos territoires, il existe des solutions produites par nos acteurs économiques, sociaux et culturels, nous sommes là pour les faire remonter. L'Etat doit ouvrir des espaces de dialogues, par exemple, sur la question de la réouverture des écoles et des collèges avec les enseignants mais aussi avec les parents d'élèves. Il est nécessaire de réfléchir ensemble. En ce qui nous concerne, nous appliquons ce principe en organisant une conférence métropolitaine des maires (elle aura lieu ce lundi 27 avril, NDRL) pour régler divers dispositifs comme la distribution des masques aux habitants et évaluer, comment on fait, concrètement et tous ensemble. J'y ai même invité un représentant de l'ARS et du rectorat pour faciliter les décisions collectives.

Vous avez annoncé avoir commandé deux millions de masques pour les distribuer aux habitants. Si vous attendez l'avis des maires, quel serait pour vous le délai de distribution ?

Il faudrait avoir terminé avant le déconfinement. C'est important de rassurer tout le monde, que tout le monde soit prêt à en avoir pour aller au travail, chez un commerçant, prendre les transports en commun.

Sur cette question des déplacements, vous souhaitez éviter un retour à la voiture individuelle, comment s'y prendre ?

Ce qui est sûr, c'est que la remise en place des transports en commun est complexe. S'il est difficile de limiter le nombre de gens dans un bus, et de garantir de bonnes mesures barrières, ils préféreront prendre leur voiture. Nous travaillons sur un plan qui favoriserait les trottinettes, les piétons, les vélos, en aménageant de nouvelles pistes cyclables temporaires avec plus de parkings pour mieux faire cohabiter l'ensemble. Et pourquoi pas piétonniser certains axes pour sécuriser l'accès aux magasins. Plusieurs solutions sont à envisager.

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Vous avez fait voter hier soir, lors d'un conseil métropolitain extraordinaire en visioconférence, un plan d'aides économiques d'une valeur de 100 millions d'euros. Qu'elle a été votre ligne conductrice pour le bâtir ?

C'est l'instinct de survie. J'ai capté tout de suite que l'urgence pour les associations, les très petites entreprises et les indépendants c'était de préserver de la trésorerie. S'ils n'ont pas d'aide : ils sont morts.

Nous avons donc mis en place un système ultra simple pour pouvoir verser 1000 euros par mois à chaque entreprise du territoire éligible au Fonds de Solidarité National mis en place par le Gouvernement. C'est une aide automatique, les bénéficiaires n'ont pas à faire deux fois la démarche, nous nous appuyons sur la matrice de données compilée par la région. Pour le mois de mars, nous avons aidé 18 000 entreprises pour 18 millions d'euros. Nous estimons que 30 000 entreprises seront concernées en avril, soit l'équivalent de 30 millions d'euros. Cela devrait évoluer en mai.

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Nous avons également acté l'exonération des loyers sur un trimestre pour 471 structures hébergées dans nos locaux et accélérer le paiement des prestations, la prise en charge des cotisations des professionnels du tourisme à l'Office du Tourisme et le report du recouvrement des reversements de la taxe de séjour restante et pour les trois premiers trimestres de l'année 2020.

En solidarité internationale avec les pays et villes partenaires de la Métropole de Lyon, nous avons voté une aide d'urgence de 300 000 euros pour soutenir les associations et les ONG qui œuvrent dans la lutte contre l'épidémie.

En matière d'insertion, nous nous sommes engagés à maintenir les droits des bénéficiaires du RSA et à suspendre toutes les procédures de réduction ou de suspension de l'allocation, soit près de 40 000 bénéficiaires concernés. Nous avons également voté un plan de soutien pour les étudiants en grandes difficultés. Et tout ceci à l'unanimité.

Vous avez dû conventionner avec la Région Auvergne Rhône-Alpes pour abonder le Fonds de Solidarité national. Comment travaillez-vous avec la Région et les autres collectivités en cette période ?

Le dialogue était bien entamé avant la crise. Je vous rappelle que nous avons signé le contrat plan Etat/Région qui traînait depuis longtemps. On est allé à l'essentiel, on a renforcé notre collaboration même si on ne fait pas tout le temps tout ensemble. C'est le même travail qu'avec les communes, les autres collectivités, comme Saint-Etienne. Je vais contacter prochainement Gael Perdriau pour voir s'il n'y a pas des choses que l'on peut faire ensemble.

Y a-t-il d'autres mesures imaginées sur le plus long terme pour relancer l'économie de votre territoire et les secteurs les plus en difficulté ?

Oui, nous travaillons déjà à d'autres propositions à soumettre au prochain conseil, le 8 juin prochain. Nous allons réfléchir à la possibilité d'activer une sorte de portage immobilier, pour prendre en charge temporairement certains loyers, nous allons rapidement activer notre fonds d'amorçage industriel pour travailler cette question de la relocalisation notamment des matières premières, renforcer le fonds Eurexpo lorsque la reprise des événements sera possible, nous travaillons activement avec tous les acteurs du secteur.

Est-ce là aussi le rôle du comité d'évaluation d'après crise que vous avez lancé ?

J'ai demandé à ce comité de réfléchir à la suite avec une vision de la métropole à 5 ans. Il ne s'agit pas seulement de répondre au coup par coup aux besoins, même si ce volet opérationnel est très important, mais de voir loin. La crise a révélé certaines vulnérabilités, industrielles par exemple, et nous allons nous trouver dans une nouvelle situation financière. Il faut intégrer ces paramètres dans nos réflexions. Il rassemble toutes les sensibilités politiques de la métropole, des territoires, des communes mais aussi des acteurs économiques, sociaux et culturels.

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