Pascal Mailhos, Préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes

Métropole de Lyon : tranquillité, sécurité, la méthode du préfet Mailhos

Interview - Depuis le déconfinement, l’exaspération citoyenne se fait plus forte sur les questions de tranquillité et de sécurité. Tirs de mortiers et rodéos gâchent les nuits des habitants de la métropole de Lyon. Après une rencontre avec le procureur et des maires du territoire, le préfet d’Auvergne-Rhône-Alpes, Pascal Mailhos détaille sa méthode.

Lyon : Capitale : Pourquoi organiser une réunion sécurité seulement maintenant ?

Pascal Mailhos, préfet d’Auvergne-Rhône-Alpes : Nous avons été doublement pénalisés par la situation. Le confinement nous a bridés dans les initiatives, il a occupé beaucoup d’espace. Si j’avais choisi de parler d’autres choses, je ne pense pas que nous aurions été compris. En parallèle, le décalage du deuxième tour des élections nous empêchait de réunir les maires, je bouillais de ne pas le faire. Cela est désormais possible et nous l’avons fait vendredi lors d’une réunion avec le procureur, la métropole de Lyon, les maires de Lyon, Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron et Rillieux-la-Pape et un représentant des maires du Rhône. La méthode est simple, nous avons convenu de nous réunir à nouveau deux fois par an dans cette configuration et trois fois par an, nous ferons des rencontres bilatérales à quatre avec le procureur, le président de la métropole et chaque maire.

Quels sont les sujets qui ont été abordés et ceux qui le seront ensuite ?

Nous avons plusieurs thèmes comme les tirs de mortiers, les rodéos, les trafics de stupéfiants et les lieux concernés. On a vu avec les maires les sujets que l’on doit traiter en priorité. Nous sommes dans la co-construction. Je leur ai rappelé que ce n’était pas "nous ou vous", mais bien "vous et nous". Nous allons signer des conventions préfet / maires sur l’utilisation de la police municipale et de la police nationale, établir des actions. Vaulx-en-Velin et Villeurbanne ont fait des demandes au ministère de l’Intérieur de quartiers de reconquête républicaine. Quand les critères sont réunis et que les maires s’engagent, on ajoute des effectifs de police.

Allez-vous lancer des opérations prioritaires ?

Je ne suis pas pour faire juste des coups. Je crois beaucoup plus à la méthode qui se construit dans les temps courts, moyens et longs, plutôt que de penser que l’on va faire des coups et que cela va régler des phénomènes anciens, ou évolutifs, parfois aux formes nouvelles. Cette réunion a créé une forme de communauté entre les maires qui va favoriser les échanges de pratique, les maillages entre eux, avec nous et le Parquet. Il y aura des expérimentations, des essais, on va essayer de voir comment les bonnes pratiques se diffusent. C’est un même et unique territoire, il n’y a pas Vénissieux d’un côté et Rillieux de l’autre.

Qu’en est-il d’une augmentation des effectifs souvent présentée comme une solution ?

La question des effectifs n’est pas tabou et n’est pas non plus la solution à tout. Il est normal que quand les maires arrivent, ils regardent quels sont les effectifs de police, nous aussi nous regardons quels sont ceux de leur police municipale. Mais par exemple, pour les tirs de mortiers, ce n’est pas en nombre de policiers mis sur le terrain qu’on réglera la situation, mais par la réglementation et la législation. Je prends des arrêtés les interdisant, les maires aussi, mais il y a des trafics via Internet. Je peux dire "c’est interdit", mais il y aura toujours des approvisionnements. Il faut régler ce phénomène nouveau à la source avec la mise en place d’une stratégie profonde sur ces nouveaux réseaux. J’ai demandé à la Douane, à la Répression des fraudes et la Police aux frontières de travailler sur ces sujets, d’identifier ces trafics et organisations clandestines.

Sommes-nous sur des questions de tranquillité ou de sécurité ?

Il s’agit de tranquillité et de sécurité. La tranquillité est le ressort des maires, mais on ne va pas jouer à cela. L’intranquillité peut conduire à l’insécurité. Pour les rodéos, les services en ont repéré deux types : il y a les petits qui font les "malins", torse nu, sans casque ni protection, qui se font filmer et publient sur les réseaux sociaux. Et à côté, vous avez des individus plus vieux, avec des casques, qui sont là pour occuper la police pendant que les trafics se tiennent. Le petit qui fait de la moto et dérange tout le monde, c’est de l'intranquillité, s’il commence à faire n’importe quoi, de l’insécurité, s’il part dans les trafics, de la délinquance.

Comment expliquez-vous l’exaspération qui monte ?

Je comprends l’exaspération des citoyens. Nous sommes face à un phénomène national qui a plusieurs causes. Il y a un effet confinement, les gens se sont habitués à un niveau sonore très faible, on n’entendait pas une voiture et les gens ont pensé que cette tranquillité était la nouvelle norme, que si ça avait existé on pouvait rester à cet état 0. D’un coup avec le déconfinement, vous avez deux phénomènes qui sont arrivés : la ville a repris sa place et il y a un rajout lié à mon avis à une détente liée à la sortie du confinement. Rodéos et tirs de mortiers ont été amplifiés. Cette aggravation a été ressentie davantage et le niveau d’exaspération est plus élevé.

Quand les premiers résultats vont-ils se faire ressentir ?

J’ai fait accepter à tout le monde que je n’allais pas lancer une grande opération en septembre. Ce ne serait pas sérieux, on règle les choses dans le temps, même si je comprends qu’il faut des résultats. On ne va pas attendre une action miracle, une solution miracle. Nous allons progressivement dessiner un paysage des actions pour des résultats qui durent dans le temps. J’ai le sentiment que d’ici la fin de l’année on devrait voir les premiers résultats de cette méthode.

Le temps long sera-t-il celui de l’urbanisme ?

L’urbanisme est effectivement un sujet important dans ce temps long. Nous allons organiser une réunion avec le directeur général de l’agence de rénovation urbaine, le président de la métropole et les maires, avec comme idée qu’on ne bloque pas les opérations de rénovation urbaine, celles qui peuvent améliorer les conditions de vie, de sécurité. On va regarder tous les dossiers, accompagner tous les domaines. L’urbanisme doit d’inscrire dans un temps long pour éviter de faire et défaire en fonction des injonctions paradoxales, pour ne pas que les dispositifs perdent de leur lisibilité et efficacité.

Allez-vous recevoir les collectifs "en colère" qui sont apparus bien avant le confinement ?

Collectifs, commençants et riverains seront reçus comme ils l’ont déjà été. Comme avec les nouveaux maires qui arrivent, nous avons besoin de partager avec eux. Il y aura une association à la réflexion avec les services. On les consultera, on les écoutera pour, comme le maire de Lyon l’a dit, "trouver des solutions conformes à leur aspiration".

Les causes évoluent sans cesse, vos solutions d’aujourd’hui ne risquent-elles pas d’être dépassées par les problèmes de demain ?

Justement, par la méthode, nous gardons cela à l’esprit. Je fonde beaucoup d’espoir sur ce comité stratégique à dix et les réunions bilatérales pour que les maires nous fassent remonter un certain nombre de choses. Nous travaillons sur l’existant, mais nous gardons à l’esprit l’importance de voir les phénomènes qui montent. Les maires peuvent nous faire connaître les changements qu’ils vont repérer et inversement, nous pourrons leur transmettre ceux que nous découvrons. Dans ces réunions, nous allons aussi identifier les signaux faibles. Au lieu de dire, "c’est un signal faible, on attend et on ne s’occupe que des signaux forts", on va les étudier, les faire remonter vers Paris, agir s’il le faut. Il y a un consensus fort des maires sur les questions de tranquillité et de sécurité et cela qu’importe leur étiquette politique. Vendredi, après la réunion, ils sont venus ensemble parler à la presse d’une seule voix, c’est un signal fort pour la suite.

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