Les animaux légendaires de Lyon : la Mâchecroute

Décrite en 1552 par Rabelais, la Mâchecroute est un monstre affamé, qui rôdait dans les eaux du Rhône. Portrait d'une légende aujourd'hui disparue, ou presque.

Mâchecroute
La Mâchecroute est une légende bien ancrée autour du Rhône. © Camille Gabert

Les yeux plus grands que le ventre et la tête plus grosse que tout le reste du corps, avec des amples, larges et horrifiques mâchoires bien dentelées tant dessus qu’en dessous. » Le monstre décrit par Rabelais dans Le Quart Livre en 1552 n’est autre que la terrible Mâchecroute.

La légende veut que depuis le Moyen-Âge, cette créature aux allures de dragon erre dans les eaux du Rhône. Affamée ou dérangée, celle-ci pourrait tout détruire autour d’elle en quelques minutes déclenchant des crues et inondations spectaculaires.

Et selon les écrits, ce démon des crues n’a pas frappé qu’une fois, bien au contraire. La maîtresse des profondeurs qui aurait élu domicile sous les piles en chêne du pont du Rhône, aurait frappé en 579, 821, 874 puis en 1501 et 1510 détruisant toute la commune de la Guillotière.

L’esprit des berges du Rhône

Il faut savoir qu’au Moyen Âge et jusqu’au XIXe siècle, les berges du Rhône ne sont pas aménagées comme elles le sont aujourd’hui. Les inondations sont fréquentes et les digues peu solides. Les abords de la rive gauche, où se situe la commune de la Guillotière, ne sont que marécages et le Rhône, comme la Mâchecroute, n’est pas domestiqué.

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Tous deux sont incontrôlés et incontrôlables. Pour vaincre la « malédiction » et éviter de nouvelles catastrophes, les Lyonnais brandissent son effigie chaque année lors des carnavals. Mais ce monstre sans pitié ne se calmera pas et insufflera la peur dans la vie des Lyonnais jusqu’au XIXe siècle.

Deux crues meurtrières en 16 ans

Lyon, 30 octobre 1840, 2 heures du matin. Il pleut déjà depuis plusieurs jours sur la ville. Le Rhône est en alerte, son niveau ne cesse d’augmenter. Les habitants ne le savent pas encore mais Lyon s’apprête à sombrer dans le chaos. Cette nuit-là, la digue en terre de la Tête d’Or se rompt. L’eau, contenue jusque-là, se déverse alors à folle allure sur la rive gauche emportant sur son passage maisons, mobiliers et arbres.

Le pire n’est pas encore arrivé. Le soir, l’eau s’introduit dans les tuyaux conducteurs de gaz et plongent la commune de la Guillotière et les Brotteaux dans le noir total. De nombreux Lyonnais sont emportés par les flots. Plusieurs centaines de maisons sont détruites. Aucun doute, l’horrible Mâchecroute est toujours là.

Quelques années plus tard, en 1856, Lyon est de nouveau victime de crues spectaculaires du Rhône. La rive gauche, une fois de plus, est fortement touchée. Dix-huit personnes perdent la vie à la Guillotière. Face à l’ampleur du drame, Napoléon III se rend même sur place. Il n’est alors plus question que Lyon vive d’autres tragédies dans le futur.

Un an plus tard, la loi de la protection contre les crues oblige la Ville à construire de nouvelles digues aux abords du fleuve. Le Rhône n’est plus le fleuve sauvage et primitif que les Lyonnais ont connu. Et comme par magie, la Mâchecroute s’apaise et se fera de plus en plus rare, jusqu’en 2019 !

Le retour de la Mâchecroute

En 2019 justement, un petit miracle se produit : un œuf de Mâchecroute est retrouvé pendant les travaux de l’Hôtel Dieu. La ville de Lyon cache son existence jusqu’à son éclosion au parc de la Tête d’Or. « Fait remarquable, un nouveau pensionnaire a vu le jour au zoo de Lyon, offrant à la Ville une naissance exceptionnelle. Le petit mâchecroute se porte très bien et vous pourrez faire sa connaissance très prochainement ! »

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Verra t’on bientôt de nouveau la Mâchecroute naviguer dans les eaux du Rhône ? Peu probable (mal)heureusement. La naissance a été annoncée le 1er avril…

Nicolas Lagoutte

Cet article fait partie d’une série autour des animaux légendaires de Lyon. Nos articles évoquent une girafe place Bellecour, la louve et les deux amants, le crocodile du Rhône, les éléphants du parc de la Tête d’Or et la Bête du Lyonnais.

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