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Lyon: Maxence Caqueret, programmé pour briller

Titulaire face à la Juventus en huitième retour de Ligue des champions puis face à Manchester City en quart, Maxence Caqueret a livré deux performances de premier ordre. Avant la demi-finale face au Bayern Munich ce mercredi (21h) à Lisbonne, RMC Sport a rencontré les formateurs qui ont façonné le jeune milieu de l’OL pour raconter son évolution.

Memphis Depay en avait pris plein les yeux. Venu assister à un match de la réserve lyonnaise lors de la saison 2018-2019, l’attaquant néerlandais avait scotché sur un bonhomme dont le physique frêle (1,74m, 66 kg) ne correspondait pas à la performance XXL: "Mais il vient d’où celui-ci? C’est un top joueur." Memphis avait vu à l’œuvre Maxence Caqueret. Bien plus l’ont vu contre la Juventus, il y a douze jours. Mais cette fois, c’était un huitième de finale retour de Ligue des champions. Une grosse prestation sur la plus belle des scènes. De l’activité, plein, et encore tard dans le match avec toujours la capacité à orienter le jeu avec lucidité quand certains coéquipiers marquent le pas. 

11,5 kilomètres parcourus et 77% de passes réussies face à la Juve, mais les belles stats ne disent pas tout: le milieu défensif-relayeur de l’Olympique Lyonnais, vingt ans, a rayonné et beaucoup donné. Tout comme une semaine plus tard face à Manchester City pour l'exploit lyonnais en quart. Rien d’étonnant pour ceux qui ont accompagné sa progression. A l’académie de l’OL, on connaît son potentiel depuis longtemps. Programmé pour briller. "Il fait partie de ce qu’on appelle les top joueurs, tranche Jean-François Vulliez, directeur de l’académie de l’OL, au micro de RMC Sport. Dès les U12 ou U13, son intelligence de jeu, sa concentration et l’intensité offensive et défensive qu’il mettait dans les matches... Il y a très peu de joueurs capables de faire ça aujourd’hui."

Repéré en 2010 au FC Chaponnay Marennes (sud de la ville) et arrivé en 2011, en U11, ce pur Lyonnais né en 2000 à Venissieux – proche banlieue – a progressé étape par étape dans les équipes de jeunes du club, brassard au bras. Pas évident si on s’arrêtait sur son petit format, sa nature discrète et son visage de premier de la classe. Évident quand on regardait tout le reste. Armand Garrido, ancien coach des U17 qui l’a eu en charge, disait toujours de "bien le regarder": "Un gars sérieux, qui sait où il veut aller et comment. Il doit percer à Lyon. On était unanime à l’académie depuis toujours."

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Maxence Caqueret (en noir) face à la Juventus en huitième de finale retour de la Ligue des champions 2020
Maxence Caqueret (en noir) face à la Juventus en huitième de finale retour de la Ligue des champions 2020 © Icon Sport

Il y avait le ballon, d’abord, et ses capacités. "C’est une machine, résumait Garrido en 2017. Il récupère, relance, est capable de marquer des buts, de faire marquer." "Il est là pour fluidifier le jeu, apprécie Cyrille Dolce, entraîneur en U15 à l’OL qui a eu la pépite sous ses ordres, pour RMC Sport. C’est un métronome, le catalyseur du jeu vertical, le catalyseur quand il faut mettre le pied sur le ballon. Son souci, c’est d’abord de jouer de l’avant mais il sait également être dans les bons temps de jeu, faire la passe qui va faire gagner un peu de temps pour l’équipe. C’est un chef d’orchestre. A quatorze-quinze ans, les jeunes sont souvent dans un projet très individualiste. Lui, son premier projet, c’est de rendre l’équipe meilleure. Il était déjà comme ça très jeune et il n’a pas changé."

"C’est un agressif soyeux, poursuit son ancien coach. Un joueur qui attaque l’attaque adverse, qui va venir chasser haut, gratter des ballons sur des temps de passe. Il va être agressif dans le bon sens du terme, par son sens du jeu, sa capacité à lire les passes, pour récupérer des ballons sans mettre de semelles ou tacler." Un mot revient encore et encore dans les conversations: intensité. "Il court beaucoup, dans l’animation offensive comme défensive, reprend Cyrille Dolce. Il est toujours en mouvement. Ses stats sont énormes. Le problème français, c’est qu’on a souvent un peu de réticence à courir quand on n’a pas le ballon dans les pieds mais il est toujours une solution pour les autres, il a le bon déplacement, le bon placement. C’est un serviteur élégant." 

Responsable du recrutement des jeunes à l’OL, Gérard Bonneau tenait le même discours sur le site de la Fifa en octobre 2017, après l’entrée en lice des Bleuets au Mondial U17 et un Caqueret impliqué sur trois des sept buts tricolores contre la Nouvelle-Calédonie (7-1). Mais il n’y a pas que ça. "Il est techniquement très propre. Il peut aussi éliminer une ligne par la passe ou par le dribble", ajoutait-il. Une nouvelle fois, ça fait du temps que ça dure. "C’est un joueur qui avait une précocité dans sa capacité à enchaîner les cadrages de l’adversaire, les compensations d’espace, à bonifier les ballons dans la verticalité, à imprégner un rythme dans le jeu, dépeint Jean-François Vulliez. Il va sans cesse vouloir donner le meilleur ballon à son partenaire et briller collectivement."

Maxence Craquet gratte un ballon à Mauro Icardi lors de la finale de la Coupe de la Ligue entre l'OL et le PSG en août 2020
Maxence Craquet gratte un ballon à Mauro Icardi lors de la finale de la Coupe de la Ligue entre l'OL et le PSG en août 2020 © Icon Sport

L’état d’esprit incorpore le tableau qui se dessine. Timide mais mature. "Il a toujours eu un très bon comportement, poursuit le directeur de l’académie de l’OL Sur le plan éducatif, c’était un exemple. Quand il est passé des U17 aux U19 ou des U19 à la Nationale 2, il continuait à évoluer et à apprendre. Parfois, des très bons joueurs en U13, U14 ou U15 bloquent à un moment donné sur le plan de la compréhension du jeu, mais on voyait qu’il était capable de s’adapter à l’intensité supérieure. Il montrait un niveau de concentration élevé dans le travail, beaucoup d’investissement et une personnalité à son poste. Entraînement ou match, il n’y avait pas de différence, il mettait de l’intensité dans tout ce qu’on lui demandait."

Et pas besoin de forcer la chose. "Il y a quelque chose qui pétille dans son œil, complète Cyrille Dolce. C’est un amoureux du ballon, du jeu. Il est à l’écoute, il a envie d’apprendre tous les jours et ne vient pas à l’entraînement en traînant la patte. Tout ce qu’il fait, il le fait bien. Ça veut aussi dire qu’il va durer sur une saison, sur plusieurs saisons, sur l’avenir. C’est plein de promesses." Le technicien évoque "des performances de haut niveau" dès gamin pour un joueur "facile à entraîner" et qui "absorbe tout". La notion de travail est assimilée. Celles d’esprit de compétition et d’esprit de club aussi. "Même quand il était jeune, pour lui, il fallait gagner tous les matches, notamment les derbies, raconte Jean-François Vulliez. Derrière un visage où il y a peut-être peu d’émotions, il y a un grand compétiteur, qui n’a pas une ambition d’ego mais celle de porter le maillot de l’OL le plus loin possible. Il a toujours été un Gone qui avait envie de lancer sa carrière à l’OL, qui aime ce maillot. Il porte l’ADN OL dans sa culture de jeu."

Un capitaine-né, pas version grande gueule mais qui entraîne derrière son comportement et ses cheveux gominés. "Quand je le vois arriver en U15, je me dis: c’est bizarre de mettre capitaine un jeune plutôt discret mais on va quand même le tenter, se souvient Cyrille Dolce. Finalement, c’est l’aura qu’il dégage, sans parler, qui fait qu’il est capitaine. On veut souvent des capitaines qui crient fort. Lui, non. Son exemplarité fait que les autres vont le suivre." Presque impossible à l’époque de ne pas lui mettre le bout de tissu autour du bras.

Maxence Caqueret (septembre 2019)
Maxence Caqueret (septembre 2019) © Icon Sport

"Il va porter haut les couleurs du club sur le terrain, à l’école, dans la vie de tous les jours, reprend l’entraîneur des U15. Quand il joue, il met en avant ses coéquipiers avant lui-même, c’est un gage qui fait qu’on lui donne le brassard sans concession. Il s’impose toujours au choix du coach, comme cette année. La vérité vient du terrain et on ne peut que le faire jouer. Et après on ne peut que le mettre capitaine. Il se dégage quelque chose dans ce qu’il fait. Là, on ne juge pas par la voix mais par l’action. Comme on ne peut pas lui reprocher grand-chose quand il joue, il s’impose."

Beaucoup voient en lui le futur capitaine lyonnais. "Il en a l’étoffe, confirme Cyrille Dolce. Quand on l’a été en équipes de jeunes de l’OL et en équipes de France en jeunes, tout est un peu dicté pour qu’il le soit plus tard. Maxence ne sera pas un capitaine aboyeur mais va se dessiner tout seul par sa valeur, son exemplarité, sa tenue." Il saura attendre son heure. Il l’a déjà prouvé. Lancé dans la réserve lyonnaise dès la saison 2016-2017, en parallèle de sa progression dans les équipes de France de jeunes où il a pour l’instant évolué depuis les U16 jusqu’aux U20 pour un total de 58 sélections, Caqueret doit d’abord se remplumer un peu. 

"Il y a deux ans et demi-trois ans, quand on l’avait en Nationale 2, on avait décidé de le sortir de la compétition pendant un mois après un état des lieux avec le staff médical car on savait qu’il fallait qu’il passe par une étape de développement, raconte le directeur de l’académie lyonnaise. Ça lui a ensuite permis d’intégrer le groupe professionnel avec plus de facilité sur le plan athlétique." Bruno Genesio lui donne sa chance lors de la préparation estivale à l’été 2018. Premier contrat pro dans son "club de cœur" signé en décembre 2018, jusqu’en juin 2021, avec une prolongation jusqu’en 2023 six mois plus tard. Le Brésilien Cris, glorieux ancien, a des mots de velours pour lui sur RMC Sport. Jean-Michel Aulas parle d’un "vrai Gone", du "futur du club".

Maxence Caqueret (en blanc) lors de ses débuts professionnels avec l'OL en janvier 2019 face à Bourges en 32e de finale de la Coupe de France
Maxence Caqueret (en blanc) lors de ses débuts professionnels avec l'OL en janvier 2019 face à Bourges en 32e de finale de la Coupe de France © Icon Sport

La titularisation en 32e de finale de Coupe de France contre Bourges en janvier 2019 (et les quelques secondes en quart contre Caen) lui offre ses premiers pas chez les pros. A l'académie, on pense qu’il va percer vite. Mais l’arrivée à l’été 2019 de Sylvinho et Juninho, qui ne le connaissaient pas, retarde son éclosion avec le recrutement à son poste du jeune Jean Lucas pour huit millions d’euros. Sorti de l’Euro U19 avec les Bleuets (défaite en demie), où il était une nouvelle fois capitaine, et souvent au-dessus d’un joueur comme Thiago Mendes dans les oppositions à l’entraînement, la situation aurait pu lui donner des envies de départ. Surtout pas l’idée. Il ne lâche rien et finit par taper dans l’œil de son coach brésilien (il a également eu une longue discussion avec le directeur sportif, désormais convaincu de son potentiel). Sa place est faite, premier joueur maison de la génération 2000 à s’imposer chez les pros. 

Parti pour durer, a priori. "Le jour où il sera titulaire, ce sera difficile d’aller le déloger", nous glissait déjà un joueur du groupe l’été dernier. "Quand il reste à un haut niveau de performance, il est indéboulonnable, appuie Cyrille Dolce. Il connaît la recette pour y arriver. Il va être difficile de l’enlever s’il continue d’être à ce niveau-là, c’est vrai. A quinze ans, différents facteurs étaient déjà bien alignés pour qu’il puisse réussir et il a continué à travailler pour performer là où étaient ses qualités." Beaucoup, le football français a connu des exemples ces derniers temps, auraient abandonné avant quand ils ne jouaient pas assez. Mais le garçon a la tête bien faite et un entourage solide.

"C’est une forme d’humilité et un certain nombre de jeunes devraient prendre exemple sur sa capacité à être patient, explique Jean-François Vulliez. Il n’a jamais été vindicatif. Il a écouté les conseils des coaches, de ses agents, de sa famille. Son environnement, associé à notre travail, a été déterminant pour sa capacité à être autonome et à devenir un joueur de l’équipe pro." "Ses parents ou ses conseillers ne sont pas du tout intrusifs, ils nous laissent vraiment faire ce qu’il faut en termes de formation, confirme son ancien coach en U15. C’est un plaisir de travailler avec des gens comme ça. Ce ne sont pas des parents dans une concurrence féroce avec les autres parents."

Maxence Caqueret explose de joie après la victoire sur la Juventus en huitième de finale retour de la Ligue des champions 2020
Maxence Caqueret explose de joie après la victoire sur la Juventus en huitième de finale retour de la Ligue des champions 2020 © Icon Sport

A force de voir tout en rose, on chercherait presque un défaut, au moins un léger contre-poids. Maxence Caqueret devra gérer les attentes désormais plus appuyées, l’œil des caméras plus insistant, trouver la régularité à haut niveau qu’on va lui demander. Le classique d’un espoir de vingt ans. Allez, on voit bien un truc: l’idée d’une mentalité de "vieux", à l’ancienne, OK boomer, à rebours d’un foot moderne où on travaille son image comme son jeu. Mais on retombe vite dans la case positive. "Il a eu très tôt cette maturité de se prendre en mains avant les entraînements, ce travail de prévention, les soins, bien s’alimenter, dormir, un processus de footballeur de haut niveau avec tous les éléments essentiels à la performance", constate Jean-François Vulliez, pour qui "son registre vient compléter ceux de Bruno Guimaraes et Houssem Aouar et permet d’avoir un équilibre dans notre milieu".

"C’est une fierté de voir un joueur avec ces valeurs-là qui réussit à ce niveau, appuie Cyrille Dolce. Il n’a pas pris la grosse tête. Il sait d’où il vient, il se rappelle du chemin qui l’a mené où il est. Quand on a la valeur de son histoire, on ne peut que réussir. Il est à part par ce côté un peu joueur à l’ancienne qui fait qu’il était déjà très pro très jeune. Maxence ressemble à Maxence, à personne d’autre." "C’est la preuve qu’en utilisant les fondamentaux du métier, travail, humilité, écoute, intelligence et élégance à tous les niveaux, avec une bonne éducation, on peut encore y arriver", sourit Armand Garrido. Une voie à suivre pour les apprentis Gones. 

"Il doit être inspirant pour tous les jeunes de l’académie, pointe Jean-François Vulliez, comme peuvent l’être Anthony Lopes ou Houssem Aouar. On demande aux jeunes en Nationale 2 de se construire une personnalité de leader, pas forcément de beaucoup parler mais leader technique, d’intensité, d’agressivité. Il a su se construire. J’espère qu’il va pouvoir porter très loin nos couleurs. Pour l’académie et l’institution OL, c’est une personne remarquable qui saura porter nos valeurs tout au long de sa carrière." Qui va continuer de grandir, aussi. Peut-être même très vite. "Dans quinze-vingt matches, ce ne sera pas le même Maxence, conclut le directeur de l’académie lyonnaise. Il va encore progresser car il a une capacité d’apprentissage élevé." Nouvelle preuve contre le Bayern?

Alexandre HERBINET (@LexaB) et Edward Jay (@EDWARDJAY73)