Ils se sont inspirés par la physique des hautes énergies, et notamment du Boson de Higgs, une particule élémentaire dont les théories mises en place pour en confirmer l'existence avaient déjà débouché sur un prix Nobel en 2013.
Deux scientifiques de l'IP2I, un institut de physique issu du CNRS et de l'Université Claude Bernard Lyon 1, ont ainsi collaboré durant plusieurs semaines avec un chercheur travaillant à la fois à l'Université du Sud du Danemark et à l'Université Federico II de Naples.
Leurs simulations, qui prennent en compte les taux d'infection ainsi que les déplacements au sein des pays européens entre mars et juillet 2020, confirment qu'une deuxième vague est attendue entre juillet 2020 et janvier 2021 en Europe.
Prédire la survenue d'un pic
Bien qu'il ne leur soit pas possible de quantifier l'ampleur de cette deuxième vague, ni la durée exacte de ce prochain pic d'infection, ces simulations auraient cependant, d'après Giacomo Cacciapaglia, chercheur à l'IP2I et l'un des co-développeur de ce modèle, un intérêt majeur dans la lutte contre l'épidémie.
Car en étant en mesure de prédire le moment où surviendront les pics du taux d'infection au sein de chaque pays, ces simulations pourraient permettre aux autorités et aux citoyens de mettre en place des comportements adaptés pour ralentir la pandémie, à l'image de la distanciation sociale, le contrôle des clusters locaux, voire même, des mesures de contrôle aux frontières.
"Dans le cas de certains pays comme l'Italie ou l'Angleterre, cette deuxième vague va probablement commencer plus tard alors qu'en France, elle a déjà démarré et pourrait donc se finir plus tôt, avant la fin de l'année", note Giacomo Cacciapaglia.
Leur étude a donné lieu à une publication, fin septembre, au sein de la revue internationale, Scientific Reports.
Un système physique
Leur méthodologie ? "En regardant les courbes épidémiologiques, avec le nombre de cas infectés et leur évolution dans le temps, nous avons remarqué qu'il existait une similarité entre cette courbe et des modèles de physique des particules qui dépendent de l'énergie contenue au sein de tout système physique", explique Giacomo Cacciapaglia.
Dès lors, les trois chercheurs ont tenté d'utiliser le même modèle d'équation que dans le calcul de la physique des hautes énergies, pour l'appliquer à l'épidémie et en comprendre ses mécanismes.
Ils ont ainsi commencé par travailler ensemble durant la période du confinement, à compter de la mi-mars, et ont recueilli les résultats de leurs premières simulations à la fin juillet.
"À cette époque, on ne parlait pas encore de deuxième vague. Nous avions donc eu l'idée d'utiliser les données et paramètres de la première vague pour essayer de prédire une seconde était possible et à quel moment", confirme Giacomo Cacciapaglia.
Une équation issue des mathématiques
C'est donc en s'appuyant sur les données existantes ainsi que sur l'évolution de la situation sanitaire au sein du pays voisins (Espagne, Croatie, etc) qu'une nouvelle équation a donné lieu à leur modélisation finale.
"Il s'agit d'une équation fonctionnelle très similaire à celle utilisé pour le Boson de Higgs dans le domaine de la physique des particules. Nous devions la réinterpréter en plaçant à la place de l'énergie la variable du temps, et en lieu et place d'une quantité physique, le nombre de personnes infectées". Un calcul mathématique à équation différentielle, somme toute "assez simple" pour ces chercheurs en physique, et qu'ils ont réalisé uniquement par ordinateur, sans avoir besoin de recourir à des algorithmes.
D'autant plus qu'une fois le mode de calcul connu, leur modélisation ne prendrait plus qu'une demie journée à être réalisée... "Cela nous a permis d'essayer de prédire le début de la deuxième vague, c'est-à-dire le moment où le nombre de cas par jour commence à augmenter. Mais on ne peut cependant pas prédire l'ampleur de la vague, ni le nombre de personnes infectées", nuance Giacomo Cacciapaglia.
L'impact des mesures de prévention
Selon eux, il est possible de tirer plusieurs enseignements de leurs découvertes. A commencer par le rôle que peut jouer certaines mesures de prévention, comme la réduction du nombre de voyageurs "qui, si cette décision est prise rapidement, peut retarder le début de la deuxième vague", glisse Giacomo Cacciapaglia.
Selon lui, un autre paramètre jouerait un rôle clé dans le contrôle de l'épidémie, à savoir l'application, plus ou moins sérieuse, des mesures de distanciation sociale et de gestes barrières au sein des pays concernés. "On constate que le début de la seconde vague est en accord avec nos prévisions mais dans certains pays, qui semblent avoir pris des mesures plus efficaces, cette vague monte plus doucement".
Si cette découverte ne permet pas de prédire la survenue de nouveaux pics d'épidémie avant que l'épisode actuel ne soit terminé, le modèle peut être réactualisé dès lors que la situation s'avère à nouveau contenue, en vue de mesurer l'éventualité d'une troisième vague.
Le rôle de la physique dans la prévention des épidémies
"Avant de travailler sur ce projet, je ne pensais pas que le domaine de la physique pouvait aider sur ce type de questions. Mais notre résultat prouve le contraire, en démontrant il est possible d'utiliser un modèle étudié depuis longtemps pour aider à comprendre l'évolution de nouvelles pandémies", note le chercheur lyonnais.
Résultat ? Cette méthode pourrait être applicable, sur le principe, à l'évolution d'autres pandémies. "Nous l'avons pour l'instant appliquée au Covid, laquelle nous avons beaucoup de données, mais il est possible que cela puisse s'appliquer à d'autres épidémies à l'avenir".
Avec, d'après lui, un atout majeur : celui de permettre de prendre des mesures additionnelles avant qu'une nouvelle vague d'épidémie ne commence, afin d'en réduire la survenue.
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