Forum Santé Innovation [3/3] : rendre l'innovation possible, l'enjeu de demain

[Dossier 3/3] Comment quantifier, qualifier et évaluer l’innovation en santé ? Alors que le chemin entre un nouveau médicament ou dispositif et son déploiement auprès des patients s'avère parfois très long, comment le concept même d'innovation peut aujourd'hui faire bouger les lignes sur le marché de la santé ? Un sujet sur lequel plusieurs experts ont débattu à l'occasion de la troisième table ronde du Forum Santé Innovation, organisée par la Tribune le 24 septembre dernier au H7 de Lyon.
Sur scène, Olivier Delaitre (Boehringer Ingelheim France), Sébastien Michel (Mylan) et Michel Plantevin (Cluster i-Care) ont tous les trois débattu des conditions d'émergence des innovations dans le secteur de la Santé.
Sur scène, Olivier Delaitre (Boehringer Ingelheim France), Sébastien Michel (Mylan) et Michel Plantevin (Cluster i-Care) ont tous les trois débattu des conditions d'émergence des innovations dans le secteur de la Santé. (Crédits : DR)

Alors que le Covid-19 nous pousse à décliner le concept d'innovation sous plusieurs formes (vaccins, médicament, masques, protocoles sanitaires, etc), force est de constater que les innovations sur le marché de la santé peuvent être de plusieurs types : certaines sont issues de ruptures technologiques, comme les smartphones ou les nanorobots. D'autres sont des innovations d'usage, comme la télémédecine. Pour Olivier Delaitre, directeur Affaires Publiques et Associations de Patients chez Boehringer Ingelheim France, "innover, au niveau thérapeutique, c'est d'abord ce qui va améliorer la santé du patient". Avec, à la clé, de multiples perspectives : sociétale, organisationnelle, allant même jusqu'à l'innovation économique.

"La crise que nous traversons est très intéressante car nous voyons que l'une des principales innovations a été la rapidité, l'agilité", estime pour sa part Sébastien Michel, Head of Policy, Market Access and External Communication chez Mylan. Pour lui, "il ne faut pas opposer médicaments génériques et innovation, car les génériques permettent d'absorber des innovations très coûteuses grâce aux économies qu'elles génèrent, soit 2 milliards d'euros par an pour le système de santé français".

Olivier Delaitre insiste sur le fait que "l'innovation doit arriver au client final, qui est le patient". Un avis partagé par Michel Plantevin, président du cluster i-Care, qui souligne que "le patient doit contribuer à l'émergence de l'innovation". Pour lui, "si on oublie le patient, on a tout raté !"

Des innovations en relation avec les patients

A cet égard, le numérique en santé questionne l'ensemble de la relation avec le patient, et pas seulement sur l'innovation technique. Le cluster i-Care organise chaque année des Hacking health, des moments d'innovation ouverte, sous contrainte, destinés à rassembler des citoyens et des entreprises qui viennent relever des défis. "Il en ressort chaque année des projets qui ont du potentiel", se félicite Michel Plantevin. Il cite par exemple le lauréat 2018, qui a conçu une borne interactive pour l'accueil des personnes étrangères et qui devrait entrer l'an prochain en phase d'industrialisation.

Quant à la question de quantifier et de qualifier l'innovation, Olivier Delaitre rappelle que des autorités indépendantes réalisent ces évaluations en France, mais pratiquent des critères différents d'un pays à l'autre. "Un patient aura toujours du mal à comprendre qu'un médicament est qualifié d'innovation dans un pays, et pas dans un autre", relève-t-il.

Sébastien Michel souligne pour sa part que "d'après un rapport de l'OMS de 2003, la plus grosse innovation serait que les patients suivent leur traitement correctement. L'impact de la non-observance est en effet de 9 milliards d'euros par an du fait de complications". Selon lui, mettre en place une politique de prévention en France pourrait également être qualifié "d'innovant", tant la prévention est le parent pauvre de la santé dans notre pays.

Retrouver du temps médical grâce à la télémédecine

"La France a l'un des modèles les plus robustes en matière d'innovation en santé, mais on doit pouvoir l'améliorer. Il faut réformer nos procédures administratives qui sont parfois très lourdes et n'apportent pas forcément quelque chose aux patients", estime Sébastien Michel. Rendre le système moins rigide et accepter une certaine dose d'incertitude est aussi une piste évoquée par Olivier Delaitre.

Michel Plantevin note de son côté qu'une innovation passe par plusieurs étapes qu'il image ainsi : d'une simple étincelle, une innovation se développe jusqu'au pic des attentes, pour ensuite atteindre ce qu'il nomme "le gouffre de la désillusion", puis connaître une remontée à travers l'usage, avant d'arriver au le plateau de productivité, "une fois l'innovation intégrée au sein de nos vies".

"Certaines innovations restent ainsi dans le gouffre de la désillusion, comme les Google glass. En revanche, la télémédecine a été adoptée dans les usages". Avec, d'après lui, une leçon qui pourrait se résumer ainsi : "Lorsqu'il y a une contrainte, les gens sont capables d'innover".

Une innovation nécessairement collective ?

Alors que les médecins ont vu que grâce à la télémédecine, ils pouvaient notamment retrouver du temps médical pour leurs patients, Sébastien Michel estime que l'un des enjeux de l'innovation se résume en une question d'accès. "La vraie innovation est de permettre à tous les patients d'avoir accès à leur traitement innovant".

Et bien que les grands groupes sachent faire de l'innovation "classique", la plupart des grandes innovations proviendront des startups, Sébastien Michel rappelant qu'il soit nécessaire pour cela d'y associer un écosystème favorable et de réussir ensuite la phase de l'industrialisation des process.

Une réalité illustrée par le cas de Boerhinger Ingelheim, qui réalise près de 50 % de ses projets de R&D avec des partenaires. "Nous avons lancé notre accélérateur de startups en e-santé avec l'objectif d'en accompagner 6 par an. Nous les hébergeons, nous les accompagnons, ils peuvent disposer de nos moyens et de nos compétences internes", détaille Olivier Delaitre.

Une forme de "jeu collectif" qui passe par un travail regroupant à la fois les industriels, les structures académiques, les laboratoires de recherche, mais qui présente néanmoins un défi : "Le but n'est plus aujourd'hui de prédire l'innovation, mais de la rendre possible", résume Olivier Delaitre.

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