A Annecy comme à Lyon, les entrepôts Amazon ne sont plus les bienvenus

Alors que les fêtes de Noël approchent et que le e-commerce poursuit sa course, l’entrepôt logistique d’Amazon à Annecy connaît des débuts compliqués. Ouvert début octobre, celui-ci a déjà dû faire face au mécontentement des riverains, contraignant la ville a prendre des mesures à l'encontre de la multinationale. Un événement plus largement symbolique de la méthode discrète appliquée par Amazon pour étendre discrètement son réseau logistique en France. A Lyon, le maire EELV Grégory s'est joint à des associations pour militer contre un projet d'installation.
(Crédits : DR)

Texte édité le 11 décembre à 10h35.

Des va-et-vient incessants, à la mesure du boom enregistré par le e-commerce français depuis quelques mois - qui affiche +30% pour les pure-players français durant ce second confinement, selon des chiffres de la Fédération de e-commerce et ventes à distance (Fevad). Mais plus particulièrement, par un acteur de poids : car le géant Amazon, qui poursuit à bas bruit son maillage logistique à travers l'Hexagone, a ouvert le 6 octobre dernier un l'entrepôt logistique de 6.800 mètres carrés à Annecy (Haute-Savoie).

Hébergé au sein de l'ancienne commune de Seynod, cette installation s'est cependant concrétisée dès ses débuts par un va-et-vient important de camions et de camionnettes de livraison, au point de soulever la colère d'un collectif de riverains du hameau de Branchy (Haute-Savoie).

Des pratiques non tolérées

Ces riverains s'agaçaient non seulement des allées et venues de 270 véhicules quotidiennes, mais aussi du stationnement sauvage sur la voie publique, ainsi que de nuisances, telles que l'abandon de détritus.

Ce nouvel entrepôt joue un rôle particulier dans la stratégie du groupe, puisqu'il permet à Amazon de confier le dernier maillon de la chaîne de livraison - le « dernier kilomètre » - à des prestataires de services. Une nuée de camionnettes vient donc, chaque jour, charger des colis pour les livrer à leurs destinataires finaux.

Saisie par les riverains, la mairie d'Annecy, désormais aux mains de l'écologiste François Astorg, a sommé Amazon de mettre fin aux nuisances subies. « Amazon prend ces nuisances très au sérieux et ne tolère pas ce genre de pratiques », répond l'entreprise, via son cabinet de communication CLAI, en précisant que l'entrepôt emploie 50 salariés en CDI.

Depuis, Amazon Logistique a « mis en place de nouveaux process d'accueil et de circulation des poids lourds pour éviter qu'ils ne s'égarent dans les zones d'habitat », précise la firme, qui a aussi réorganisé l'arrivée des camionnettes pour qu'elles ne stationnent plus sur la voie publique. Celles-ci arrivent désormais par vagues limitées à 30 véhicules à la fois.

Enfin, pour éviter le stationnement sauvage ainsi que les dépôts de détritus et autres, l'entrepôt a mis à la disposition des chauffeurs des places de stationnement et un accès à des sanitaires.

« Je prends acte des engagements pris par Amazon mais la Ville restera vigilante et exigeante car l'entreprise doit faire la preuve qu'elle tiendra ses engagements dans la durée pour mettre fin aux nuisances subies par les riverains », prévient François Astorg, le maire écologiste d'Annecy.

Contrôles tous azimuts de la DIRECCTE

La ville d'Annecy n'est pas la seule a faire preuve de vigilance. Dès le 7 décembre, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a conduit un contrôle inter-services auprès de 137 personnes, essentiellement des salariés de prestataires de livraison de l'entrepôt d'Amazon.

L'opération a mobilisé pas moins de 10 policiers de la police aux frontières, 10 militaires de la compagnie d'Annecy, 2 militaires du peloton motorisé d'Annecy, 2 inspecteurs de l'URSSAF et 6 inspecteurs du travail.

La DIRECCTE entendait contrôler les salariés des entreprises de transport pour vérifier la réalité de la durée du travail, la régularité de leur embauche et de leur situation sur le territoire national. Les nombreuses allées et venues de véhicules autour de l'entrepôt nécessitent une telle sensibilisation au risque d'accidents de la route, qui pourraient être causés par l'absence de pauses, explique la DIRECCTE.

Les contrôles ont mené au constat de 49 infractions, principalement l'absence ou l'invalidité du certificat d'assurance ou du contrôle technique de véhicules. Deux contrôles ont révélé des conduites sous l'emprise de stupéfiant. Deux salariés ne détenaient pas de titres de travail. Deux autres n'étaient pas déclarés.

Plus globalement, c'est l'implantation même de cet entrepôt qui agace à Annecy. L'arrivée de cet entrepôt logistique n'était souhaitée ni par le maire actuel, ni par Jean-Luc Rigaut, le prédécesseur (LaRem) de François Astorg à la mairie d'Annecy, qui avait lui-même découvert tardivement cette implantation sans pouvoir l'empêcher. L'ancien maire avait publiquement indiqué avoir eu le sentiment d'être dupé.

La discrétion d'un géant pour se déployer

C'est qu'Amazon ne construit pas elle-même un tel entrepôt. Son nom n'apparaît donc jamais dans les documents demandant l'autorisation d'installer une telle infrastructure.

« Amazon est locataire de ce lieu, et n'en est ni le maître d'oeuvre ni le propriétaire », précise son cabinet de communication. La multinationale préfère confier le dossier à une entreprise chargée d'identifier le terrain et de concevoir de tels équipements.

Sur les 27 entrepôts logistiques comparables à celui d'Annecy qu'Amazon utilise en France, aucun n'est ainsi la propriété directe de la multinationale. Cette discrétion s'explique par le fait que de tels projets logistiques se font sur le long terme, assure le cabinet de communication d'Amazon.

En 2021, deux nouvelles implantations d'entrepôts se concrétiseront près de Metz et de Quimper. « Il n'y a aucun endroit où cela ne se passe pas bien et où les élus ont des récriminations », affirme le cabinet de communication.

La réalité semble toutefois différente, puisque des riverains du futur entrepôt de Metz ont réclamé un moratoire sur le projet. Des manifestations ont même eu lieu ces dernières semaines en Lorraine pour protester contre cette implantation.

La fronde s'élève à Lyon, soutenue également par son maire

A Lyon, c'est le maire EELV Grégory Doucet qui s'est positionné lui-même contre le projet d'un nouvel entrepôt logistique de 160.000 mètres carrés que projette également d'utiliser le leader du e-commerce, près de l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry, à Colombier-Saugnieu. Après le dépôt, fin 2019, de deux recours issus de deux associations locales, Fracture et l'Acenas, la cour d'appel de Lyon doit encore faire connaître son arbitrage concernant la délivrance du permis de construire.

La Ville de Lyon a déjà fait savoir qu'elle se joignait à de nouveaux recours venant d'être déposés par plusieurs associations, son maire ayant profité de la journée du Black Friday pour justifier ce choix par un impératif économique, lié au commerce local :

"En cette période de crise économique, il est fondamental d'ancrer nos choix économiques. Le modèle de développement d'Amazon n'est pas celui pour lequel nous avons été élu", a précisé Grégory Doucet.

A Annecy, son homologue François Astorg ne dit pas autre chose : "Le modèle Amazon n'est pas un modèle économique que je soutiens", souligne François Astorg, qui affiche sa volonté de ne plus accompagner, lui non plus, de nouveaux projets de ce type sur le territoire de sa ville.

La question, portée par les élus écologistes, aurait aussi trouvé l'oreille du gouvernement depuis cet été, puisque la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili a elle aussi annoncé son souhait de voir appliquer un moratoire, concernant l'installation de nouveaux super-entrepôts en France.

Il semblerait donc que, plus que jamais, la crise sanitaire ait apporté une forme de redistribution des cartes, amenant sur le tapis de manière plus prégnante la question de l'acceptabilité sociale. Reste à savoir quel poids cette acceptabilité sociale pèsera-t-elle face à celui du premier commerçant au monde.

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Commentaire 1
à écrit le 10/12/2020 à 20:05
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On rate encore la bonne cible, ce qu'il y a de plus abjecte dans ces entrepôts c'est de savoir que des machines commandent des humains, leur dire que ça ce n'est pas possible et discuter avec eux et s'ils ne veulent pas discuter alors sanctionner oui...

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