Régie publique de l’eau : à Lyon, le baptême du feu d’une promesse de campagne

LES ENJEUX. C’est un dossier à la fois emblématique et politique qui était mis, ce lundi après-midi, sur la table du Grand Lyon. Promesse de campagne du président écologiste Bruno Bernard, les élus du Grand Lyon auront finalement voté hier soir le passage de l’eau en régie publique - actuellement sous délégation de service publique attribuée à Veolia France-, mais sans le soutien de la droite et du centre. Un enjeu à la fois symbolique mais aussi financier, pour un contrat estimé jusqu'ici à 90 millions d'euros par an.
Le passage en régie publique de la gestion de l'eau, nourri par le nouvel exécutif métropolitain, induirait la reprise des quelques 280 salariés jusqu'ici employés par Veolia, ainsi que la reprise en main d'un méga-contrat de DSP, qui s'élevait jusqu'ici à 90 millions par an.
Le passage en régie publique de la gestion de l'eau, nourri par le nouvel exécutif métropolitain, induirait la reprise des quelques 280 salariés jusqu'ici employés par Veolia, ainsi que la reprise en main d'un méga-contrat de DSP, qui s'élevait jusqu'ici à 90 millions par an. (Crédits : Pixabay / CC)

(Publié le 14/12/2020 à 14h45, actualisé à 20h42)

Le débat public, épisode 1. Ce pourrait être le premier grand "baptême du feu" pour la nouvelle équipe de Bruno Bernard. Ce lundi après-midi, le passage en régie publique de la gestion de l'eau se retrouvait à l'ordre du jour du conseil métropolitain du Grand Lyon, tenu en visioconférence, en raison de l'urgence sanitaire.

Les 150 élus de la Métropole de Lyon, réunis en plénière, s'apprêtaient ainsi à débattre et à voter le projet de transfert de la gestion de l'eau, actuellement confiée à une filiale de Veolia, à une nouvelle entité publique rattachée au Grand Lyon. La métropole lyonnaise pourrait, à ce titre, suivre sur le chemin de plusieurs autres villes, à commencer par son voisin, Grenoble, mais aussi à la ville de Paris ou de Nice.

Alors que la délégation de service publique (DSP), attribuée actuellement à Veolia depuis 2015, est appelée à s'achever d'ici deux ans, au 31 décembre 2022, la nouvelle majorité EELV prépare en effet déjà sa sortie. Avec, au menu, la lourde tâche de définir les contours à la fois techniques et économiques afin de continuer à fournir les quelques 245.000 m3 d'eau par jour, acheminés ensuite aux portes de 1,2 million d'habitants.

Pour cela, la seconde agglomération de France devra également reprendre et réintégrer les 280 salariés jusqu'ici employés par la filiale de Veolia, ainsi que les rênes d'un méga-contrat, qui totalisait tout de même 90 millions d'euros par an, depuis son attribution en 2015. Un symbole d'autant plus fort que que la Compagnie générale des eaux, ancêtre du groupe Veolia, avait justement été bâtie elle-même en 1853, sur ordre d'un décret impérial. Avec l'objectif déjà, d'alimenter la ville de Lyon.

Un double objectif : un tournant social et écologique

Avec à la clé, une volonté du nouveau président Bruno Bernard qui se veut avant tout comme le marqueur d'un nouveau tournant social et écologique, puisque son souhait est ainsi de « préserver les ressources » tout en mettant en place « une tarification sociale et progressive ». Avec une garantie de ne pas hausser les tarifs, mais aussi de « limiter la surconsommation » sans toutefois plus de précisions.

Car l'élu écologiste a rappelé, durant ses récentes prises de parole, que la gestion par un groupe privé supposait nécessairement « une recherche de bénéfices. » Selon des informations confirmées ce jour à la Tribune par le directeur régional de Veolia, la DSP accordée à Veolia permettrait en effet de dégager une rentabilité nette moyenne de 4,9% par an. Selon l'exécutif porté par Bruno Bernard, les bénéfices dégagés par la nouvelle régie devront plutôt servir demain à « intensifier la lutte contre les fuites du réseau » ou à « engager des actions visant à réduire l'usage des pesticides par les agriculteurs proches du site de captage ».

Mais après plusieurs décennies de gestion privée, les enjeux de ce dossier semblent à la fois techniques et symboliques. Symboliques tout d'abord, car ils se posent comme une franche rupture à une tradition jugée comme acquise de longue date.

Mais aussi techniques : le Grand Lyon devra ainsi internaliser, mais également s'adapter à de nouveaux enjeux : car en plus de produire et de distribuer l'eau, il lui faudra également agir sur l'amont, puisque 90% des captages actuels de la métropole demeurent implantés dans le Rhône, et que leur débit s'apprête justement à baisser de 30% d'ici 2050.

Des réactions de tous bords

Côté réactions, il y a de ceux qui soutiennent ouvertement la démarche : comme le collectif Eau bien commun Lyon Métropole, qui compte des élus écologistes dans ses rangs. Ce dernier militait depuis plusieurs années pour l'instauration d'une régie publique de l'eau. Une position saluée également par l'adjoint au maire de Vénissieux en charge des énergies, Pierre-Alain Millet, qui rappelait que pour les élus du groupe Communiste et républicain, « la distribution de l'eau, répondant à un besoin vital des populations, ne doit pas être guidée par des intérêts financiers, mais plutôt par l'intérêt public. »

L'association des contribuables actifs du lyonnais (Canol) a quant à elle fait connaître son opposition à la mesure, arguant que les arguments avancés par la métropole pour justifier ce passage, à savoir « le maintien de la qualité et de la disponibilité de l'eau, ainsi que du tarif appliqué », seraient en réalité déjà « de la seule compétence de la Métropole », et non de celle du délégataire. Le Canol va même plus loin, estimant qu'il s'agirait d'un « déguisement de démocratie qui ne semble répondre qu'à une idéologie dogmatique. »

Bien entendu, la scène politique n'est pas en reste, puisque les rangs de l'opposition se sont déjà élevés contre un choix politique d'envergure « qui soit appliqué aussi rapidement », et n'en devienne ainsi « raté ou coûteux ». Dans l'entourage de l'ancien maire Gérard Collomb, Louis Pelaez, le président du groupe LREM à la Métropole de Lyon, tire à boulets rouges sur une décision qui illustrerait « la vision d'une gouvernance peu démocratique exercée par les Verts ».

Son groupe s'insurge que la nouvelle majorité ait même déjà pris les devants en publiant,  « en catimini », pour l'embauche du futur directeur de projet pour la création de cette nouvelle entité, et réclamait au contraire l'instauration d'un débat public. Les vannes du débat sont donc ouvertes, reste à savoir comment le nouvel exécutif parviendra-t-il à rassembler autour d'une mesure jugée, en introduction, à la fois « stratégique et structurant ».

(Actualisation)

Finalement, la délibération actant le retour à une régie publique a été actée ce lundi soir, peu avant 20 heures, par les voix de la gauche et des écologistes, tandis que l'opposition composée des élus de la droite et du centre a soit voté contre, soit s'est abstenue, dénonçant toujours un choix "idéologique" ou "dogmatique".

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