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Covid-19: les Français peuvent-ils subir moralement un nouveau confinement?

Quai de la Gare de Lyon, à Paris, le 3 avril 2020, durant le confinement lié au Covid-19

Quai de la Gare de Lyon, à Paris, le 3 avril 2020, durant le confinement lié au Covid-19 - Ludovic MARIN © 2019 AFP

Si l'hypothèse n'est pas encore à l'ordre du jour, la dégradation des indicateurs liés au coronavirus en France pourrait pousser le gouvernement à imposer de nouvelles mesures coercitives dans les semaines à venir.

Sur le papier, les Français semblent prêts à encaisser un nouveau confinement, qui serait le troisième depuis le début de la pandémie de Covid-19 en France. Selon un récent sondage Elabe pour BFMTV, 62% d'entre eux estiment qu'ils supporteraient bien une nouvelle quarantaine. En outre, cette décision est également nécessaire à leurs yeux puisque 83% des interrogés estiment que cette mesure est inévitable dans un futur proche.

Jeudi lors de sa conférence de presse, le Premier ministre Jean Castex a souligné qu'il était pour l'heure impossible d'écarter l'éventualité d'un reconfinement, en particulier si les résultats du couvre-feu généralisé à 18h pour l'ensemble du territoire ne sont pas ceux escomptés pour les semaines à venir. Bruno Le Maire a fait de même ce vendredi matin sur notre antenne.

Les Français vraiment prêts?

Pour de nombreux professionnels de la santé, cette graduation des mesures coercitives est la meilleure solution pour les autorités afin de tenter de circonscrire la maladie, tout en préservant les Français et leur santé.

"Faire un confinement total, c’est tuer la société. Si on tue la société, on dégrade les indicateurs sanitaires, c’est-à-dire que la santé va se dégrader. Les mesures doivent être équilibrées, et je pense que l’augmentation de l’amplitude du couvre-feu paraît être une mesure qui va encore laisser la société respirer", estime sur notre antenne Frédéric Adnet, médecin urgentiste et directeur médical du Samu de Seine-Saint-Denis.

Pourtant, malgré cette relative préparation des Français à une nouvelle quarantaine, plusieurs autres spécialistes s'inquiètent de l'impact qu'aurait cette dernière sur les Français les plus fragiles en cas d'application.

"La question du sondage est mal formulée: ils vont accepter et s'en sortir parce qu'ils n'ont pas le choix. Il vaut mieux parler de leur état, est-ce que cela empirerait? 62% vont le supporter, mais 38% vont mal, il faut le voir comme cela. Les gens vont mal, ils se plaignent de plus en plus, il y a des gens dans un état catastrophique", explique auprès de BFMTV.com Nicolas Franck, psychiatre et chef de pôle au centre hospitalier Le Vinatier à Bron, également auteur de Covid-19 et détresse psychologique: 2020, l'odyssée du confinement.

Troubles graves

Pour lui, plusieurs catégories de Français seraient d'ailleurs à surveiller en cas de nouveau confinement.

"Il y a les étudiants, qui sont dans des états catastrophiques, les personnes âgées isolées et dans les Ehpad qui ne peuvent pas voir leurs proches qui sont effondrés. Toutes les personnes isolées socialement, au chômage, peuvent être touchées, mais également les Français avec une meilleure assise financière", souligne encore Nicolas Franck.

Pour lui, les troubles liés au confinement sont nombreux. Dans un premier temps, il y a "les gens qui vont à peu près bien, qui se plaignent un peu, on est tous un peu moroses sur l'échelle du bien-être". Puis, viennent les individus les plus touchés par la situation sanitaire.

"Il y a ceux avec un mal-être et qui sont plus fragiles. Cela peut aller du trouble anxieux qui se caractérise par de l'irritabilité, des troubles du sommeil ou de l'appétit, jusqu'à une dépression, qui est une forme courante." Selon lui, les cas ont doublé dans son service depuis le début de la pandémie.

D'après le site du docteur Maria Hejnar, psychologue à Paris, ces effets sont évidemment renforcés par l'absence de "liens sociaux, amicaux et affectifs", qui "sont essentiels à notre équilibre psychique", ainsi que par la peur de la maladie, l'instabilité économique ainsi que la multiplication de témoignages marquants liés à la maladie.

Donner un cap aux Français

Alors pour sortir les Français de cette morosité, Nicolas Franck estime que le gouvernement, et en particulier le président de la République, ont un rôle capital à jouer malgré la situation sanitaire toujours très instable dans le pays.

"Il y a une multiplication des épreuves douloureuses, des mesures de restriction et maintenant, il faut être capable de dire une sortie de crise. Un être humain a besoin de se projeter, un besoin de maîtrise. Il faut pouvoir projeter les gens au-delà, et c'est réaliste maintenant que nous avons un vaccin, il faut remonter le moral des Français", ajoute-il.

En guise de conclusion, le psychiatre souligne que les autorités sanitaires devraient pouvoir répondre à ces interrogations et, pourquoi pas, organiser un "plan Marshall du Covid".

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV