Les Opticiens mobiles : ce Lyonnais qui lève 7,5 millions pour démocratiser la « santé visuelle »

Créée en 2015, la société lyonnaise a d’abord surfé sur la loi Hamon, qui avait ouvert un an plus tôt le secteur de l’optique en ligne. En proposant un service alliant digital et proximité pour la fourniture de lunettes, les Opticiens mobiles bouclent ce mercredi leur troisième levée de 7,5 millions d’euros auprès de plusieurs investisseurs historiques, destinée à renforcer leur maillage territorial sur un marché dont le potentiel de croissance se confirme, en dépit de la Covid.
Avec actuellement près de 70 opticiens qui se déplacent à l'échelle nationale, ce nouveau tour de table devrait permettre à l'enseigne lyonnaise Les Opticiens Mobiles de recruter 250 nouveaux professionnels d'ici 2025.
Avec actuellement près de 70 opticiens qui se déplacent à l'échelle nationale, ce nouveau tour de table devrait permettre à l'enseigne lyonnaise Les Opticiens Mobiles de recruter 250 nouveaux professionnels d'ici 2025. (Crédits : DR)

Il se pose désormais comme le « premier réseau national d'opticiens spécialisés pour intervenir sur les lieux de vie et de travail », avec 50.000 personnes servies depuis sa création, 15.000 nouveaux bénéficiaires sur l'année 2021. Mais surtout, l'ambition d'en avoir 75.000 additionnels d'ici cinq ans.

Pour le fondateur de la société lyonnaise Les Opticiens Mobiles, Matthieu Gerber, la période Covid n'a pas chamboulé la donne, même si elle a nécessairement complexifié certaines visites à domicile ou en Ephad.

« On a bien vu lors de cette pandémie que l'offre de soins répond à un besoin primaire, notamment pour ceux qui ne pouvaient pas se déplacer en magasin. Notre objectif est justement désenclaver le parcours de soins, afin que le non-recours ne soit pas vu comme une fatalité », résume -t-il.

Un marché qu'il estime également porté par le vieillissement de la population (30% des Français seront âgés de plus de 60 ans d'ici 2030) mais aussi par l'explosion des services à domicile et en entreprise.

Car en s'adressant à la fois aux publics dits fragiles (personnes âgées, en situation de handicap, ou hébergés en établissements médico-sociaux, etc) mais aussi aux enfants ou aux actifs en entreprise, son enseigne qui veut allier digital et proximité n'a pas vraiment connu la crise. Si elle ne communique pas son CA sur un marché « très concurrentiel de l'optique », elle précise tout de même avoir enregistré une croissance de 40% en 2020.

De quoi séduire ses investisseurs, qui viennent de la suivre dans la conduite d'une levée de fonds de série B de près de 7,5 millions d'euros, qui soutiennent pour la plupart le milieu de l'ESS : à savoir, ses investisseurs historiques, Evolem Start, Investir&+, 123 Investment Managers, et Amundi via FCP Amundi France et Solidarité.

250 nouveaux opticiens « mobiles » d'ici 2025

Ce nouveau tour de table devrait lui permettre de remplir plusieurs objectifs : à commencer par la poursuite de son développement en renforçant non seulement la notoriété de son réseau, mais aussi son maillage territorial, grâce à l'embauche de 250 opticiens sur l'ensemble du territoire national (dont 200 franchisés et 50 salariés) d'ici à 2025. Soit plus du triple de ses effectifs actuels.

Le lyonnais compte d'ailleurs en profiter pour renforcer ses outils en matière de digitalisation, et se développer sur de nouvelles cibles, comme le milieu de l'entreprise. Le tout en étudiant, pourquoi pas, des cibles d'acquisitions, mais également de nouveaux relais de croissance à terme, comme le secteur convexe de l'audition.

Cette levée fait suite à deux précédents tours de table de 2,2 millions d'euros en 2015, puis de 3,2 millions bouclé en 2019. Actuellement, sa société emploie déjà 70 opticiens mobiles répartis partout en France (dont 39 sont salariés, le reste établis sous forme de franchises), en vue de lui assurer une couverture allant « jusqu'à 85% du territoire national »

Et il espère augmenter largement ce score, à travers le recrutement de ses futurs opticiens, capables de jouer également un rôle « d'accompagnateur » auprès de ses publics cibles.

« Nous avons inventé le métier d'opticien coordinateur en santé visuelle, qui, en plus d'être opticien, est capable d'interagir avec des patients fragiles, de gérer les problématiques d'ordonnance et d'interface avec la médecine opthalmologique, des trouver des rendez-vous et de s'assurer de faire le relai avec parfois des mandataires judiciaires ou légaux, etc », explique le fondateur. Soit en bout de ligne, de s'assurer de la coordination des soins entre les différents professionnels auprès du patient.

« Répondre à la demande croissante des besoins en santé visuelle »

Car lors de la création en 2015, Matthieu Gerber s'était inspiré des parcours de deux proches, l'une en maison de retraite et l'autre à domicile, qui portaient des lunettes mais dont le parcours de soin n'était, selon lui « pas simple », en raison des différents rendez-vous et déplacements à programmer à cet effet par leurs proches.

« Je travaillais à l'époque à la tête d'une PME dans le domaine du verre, après avoir passé une dizaine d'années au sein du groupe Essilor, et je me suis souvenu du projet d'un petit camion que le groupe nourrissait en Inde, avec l'objectif d'équiper les enfants établis dans les campagnes et de leur permettre d'accéder ainsi à l'autonomie ».

Et c'est toujours sur cette notion d'accompagnement à l'autonomie que sa société, les Opticiens Mobiles, travaille désormais afin de « gommer » les freins à l'autonomie d'un bout à l'autre de la chaîne, qu'il s'agisse du public âgé ou au contraire jeune, voire même des actifs en entreprise à l'agenda chargé.

« L'idée était de faire de l'optique autrement », résume-t-il. Une conception désormais permise, depuis 2014, par la loi Hamon, qui a transformé le secteur en ouvrant les voies du digital. Même s'il reste, selon Matthieu Gerber, toujours quelques freins à son exercice : « Seul le contrôle de la réfraction oculaire n'est toujours pas possible en dehors des boutiques, alors que les moyens et la confidentialité pourraient être assurés », regrette-t-il.

Deux axes de diversification à venir

Les Opticiens Mobiles ont cependant déjà plusieurs pistes en tête pour poursuivre leur développement : à commencer par le marché de l'entreprise, où ses équipes pourraient proposer non seulement un service offrant un gain de temps aux professionnels en entreprise, mais également des offres spécifiques, comme des lunettes de protection -non plus à usage unique comme c'est le cas bien souvent aujourd'hui-, mais dédiées à la vue de leur utilisateur.

« Aujourd'hui, 70% de notre public est encore constitué de publics en situation de fragilité, le reste étant du domicile. Mais le marché des entreprises, certes encore embryonnaire, est en plein développement. Nous avons réalisé, depuis un peu plus d'un an, des tests qui ont été un peu retardés par la crise sanitaire actuelle mais qui ont démontré tout l'intérêt de ce marché ».

Autre piste de diversification pour le lyonnais : le domaine de l'audition qui, même s'il n'est pas encore ouvert à une pratique « mobile à distance », pourrait faire constituer un prolongement logique compte-tenu de son public cible, mais aussi des spécificités rencontrées sur le terrain. Les Opticiens mobiles s'y préparent déjà : « Nous attendons désormais une évolution de la réglementation où nous sommes encore face à une forme de corporatisme privilégiant le réseau de boutiques physiques, au détriment de l'offre de soins », estime Matthieu Gerber.

En attendant, ses opticiens sillonnent les routes de France avec, en moyenne, un catalogue de 150 à 200 paires de lunettes, resserré sur « les modèles les plus demandés qui font près de 95% des ventes », tout en travaillant avec quelques marques en noms propres et notamment, sur la création d'une griffe made in France, encore en projet.

Si son concept d' « opticien à domicile » existe déjà sur les marchés étrangers, et notamment en Allemagne, Angleterre ou Canada, il serait principalement occupé, en France, par quelques enseignes dont un acteur de taille importante. « Or, celui-ci se positionne plutôt comme une extension de son magasin. Nous sommes les seuls à avoir développé une offre spécifique avec un tel maillage, et une forte connaissance du secteur médico-social », estime le fondateur.

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Commentaires 2
à écrit le 07/04/2021 à 11:18
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Il doit donc y avoir de sacrées marges pour que ce déplacement soit rentable, ce que ne peut pas de permettre un généraliste qui ne ferait que des consultations à domicile. Lui n'a rien à vendre, pas de verres ni de montures à des prix exorbitants.

à écrit le 07/04/2021 à 9:08
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Je suis opticien et je fais du domicile depuis de nombreuses années maintenant. Mais depuis plus d’un an je ne fais plus de domicile car les risques pour les personnes âgées et autres sont trop importants et je trouve que cette société manque cruel...

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