"Bateau volant" à hydrogène :  la seconde vie du projet SeaBubbles, repris par un fonds lyonnais

Le pari du navigateur français Alain Thébault aura finalement connu un tournant inattendu. Alors que le skipper nourrissait de grandes ambitions pour son projet de bateau volant à pile à hydrogène (SeaBubbles), sa société a finalement été rachetée par le fonds d'investissement lyonnais, Mediapps Innovation, tandis que le fondateur s'est installé à Genève à la tête d'un autre projet. Mais cela ne signe pas, pour autant, la fin de l’aventure de ce projet, pour lequel s'ouvre désormais une nouvelle page, avec la participation de l'Etat à travers le programme Investissements d'Avenir.
L'histoire de SeaBubbles, mouvementée, avait d'abord commencé à Paris, dès 2016, avec l'objectif de faire voler des bateaux-taxis sur la Seine.
L'histoire de SeaBubbles, mouvementée, avait d'abord commencé à Paris, dès 2016, avec l'objectif de faire "voler" des bateaux-taxis sur la Seine. (Crédits : DR/ 3DCS Seabubbles)

Début 2021, le navigateur français Alain Thébault évoquait encore dans la presse des objectifs ambitieux en vue de la commercialisation de son futur "Bubble", ce bateau volant prévu pour fonctionner avec une pile à hydrogène, tout en étant monté sur foils, ces ailes de carbone immergées dans l'eau et offrant une sensation de glisse.

Cinq premiers exemplaires avaient été préréservés par Paris, Zurich et la région Auvergne-Rhône-Alpes, pour un montant de 250.000 euros pièce, et il s'attendait à un carnet de 10 réservations fermes avant de lancer sa production courant 2021.
Mais les choses ne se seront pas passées comme prévu.

Après un premier accord de rachat, passé fin 2020 entre Alain Thébault et le fonds d'investissement lyonnais Mediapps Innovation, conduit par l'ancien pdg de l'éditeur de logiciels Bechara Wakim, la procédure a finalement abouti, quelques mois plus tard par des échanges houleux entre les anciens associés, et surtout par le départ du navigateur, début 2021.

En coulisses, une autre étape se jouait pour le navigateur, puisque nos confrères de l'Agefi avaient dévoilé que le skipper a été déclaré en faillite personnelle le 17 novembre 2020 à la barre du tribunal de commerce de Paris, en parallèle à la liquidation de sa précédente entreprise, Hydroptère. Ce premier jugement, conclu en l'absence d'Alain Thébault, était assorti d'une interdiction de conduire toute activité entrepreneuriale en France -une mesure depuis annulée par une nouvelle décision de justice en date du 20 décembre dernier, ndlr (voir ici)-.

De son côté, le fonds d'investissement lyonnais Mediapps Innovation avait donc repris les rênes ainsi que 100% des parts de l'entreprise.

Avec, comme première mesure, le remplacement d'Alain Thébault au pilotage de l'entreprise, avec la nomination de Jean-Marie Nicot-Bérenger au poste de directeur général, alors même qu'une clause prévoyait le maintien de l'ancien fondateur pour une durée de trois ans.

Ce nouveau profil, un ingénieur diplômé des Arts et Métiers, possède une solide expérience dans l'industrie de la construction navale. Après un début de carrière en tant que chef de division construction navale de l'ETI française Piriou, puis d'expert en construction navale au sein de Naval Group, il s'était mis à son compte pour proposer du conseil dans le même domaine.

De quoi assurer le soutien de potentiels partenaires de l'entreprise, dont faisaient notamment partie la Région Auvergne-Rhône-Alpes, de l'État et de la Bpifrance, sur un marché encore en plein développement ? Les porteurs de projets évoquaient leur volonté de passer à l'étape supérieure en vue de lancer ce que l'Etat français appelle lui-même toujours comme « l'un des projets les plus ambitieux et le plus écologique dans le domaine du transport maritime avec un engagement : « zéro vague, zéro bruit, zéro émission ».

320.000 euros provenant du PIA3 pour accélérer

D'ailleurs, le projet a pris un nouveau tournant début juillet 2021, avec l'obtention d'une enveloppe de 320.000 euros dans le cadre du Programme d'Investissements d'Avenir (PIA3) mis en place par l'État français, en vue de « financer des investissements innovants et prometteurs sur son territoire ».

Ces 320.000 euros seront versés « à parts égales » entre l'État français et la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Une somme qui devrait permettre à la nouvelle équipe « d'amorcer des études de faisabilité d'un SeaBubbles nouvelle génération », destiné cette fois au transport collectif de voyageurs, jusqu'à 20 places ». Car désormais, SeaBubbles emploie
10 ingénieurs et compte tripler ses effectifs l'an prochain.

« Ce soutien vient également renforcer celui de l'Europe dans le cadre du projet H2020 », précise la société, sans divulguer pour l'heure de montant. Pour rappel, l'ancien fondateur avait notamment levé 13 millions auprès de la Maif entre 2016 et 2017.

Cette nouvelle intervient alors que SeaBubbles n'a pas chômé malgré ce changement de direction, puisqu'elle a par ailleurs annoncé qu'elle avait débuté la construction des premiers exemplaires de son SeaBubbles Limousine, qui consiste quant à lui en un modèle de « bateau électrique volant sur foils ». Equipé d'une pile à combustible à hydrogène, ce modèle 8 places sera même commercialisé « à compter de l'automne 2021».

Ses conditions ainsi que son lieu de production n'ont cependant pas encore été dévoilés.

Un écosystème local en AURA pour soutenir la production

Reste à savoir dans quelle mesure cette nouvelle gouvernance s'appuiera sur l'écosystème local de l'hydrogène pour la conception de ses deux futurs modèles de bateaux, et comment elle survivra au départ de son fondateur.

Pour Frédéric Bonnichon, le nouveau vice-président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes délégué à l'Environnement et à l'écologie positive, le rappelait lui-même : « la Région concentre 80% des acteurs de la filière hydrogène française. À ce titre, nous avons l'ambition d'être le modèle en Europe pour le développement de cette énergie », affirmait-t-il, en vue de justifier la participation financière de la Région à ce projet.

D'ailleurs, dès son origine, des pistes de collaborations avec des industriels de la filière hydrogène comme Michelin, Symbio, Air Liquide ou encore Hympulsion avaient été évoquées.

Le projet de SeaBubbles, qui consistait à proposer un petit bateau volant et à énergie propre pour transporter des passagers sur l'eau, pourrait donc retrouver une seconde vie dès cette année.

Une histoire mouvementée

L'histoire de SeaBubbles avait d'abord commencé à Paris, dès 2016, avec l'ambition nourrie par son fondateur, le navigateur Alain Thébault, de faire voler des bateaux-taxis sur la Seine. Le siège de l'entreprise avait ensuite été déplacé à Lyon tandis que la startup avait installé son premier « chantier » sur les rives du lac d'Annecy, dans les anciens locaux de l'usine de skis Dynastar, à Saint-Jorioz. Se séparant entre temps en premier lieu de son cofondateur, le véliplanchiste suédois, Anders Bringdal.

Après Paris pour son Hydroptère puis Lyon pour l'aventure SeaBubbles, le fondateur Alain Thébault avait finalement quitté l'entreprise début 2021, après des différents rencontrés avec les dirigeants de Mediapp Innovation. Il avait alors annoncé pour sa part le lancement d'un nouveau projet de navette volante à Genève, sous le nom de Bubblefly, comme l'évoquent nos confrères de l'Agefi -renommé depuis The Jet-.

Une occasion, pour la nouvelle équipe aux commandes de SeaBubbles, d'affirmer indiquer d'ailleurs début juillet, par voie de communiqué : « Nous tenions à préciser à nos partenaires, prestataires et parties prenantes que Monsieur Alain Thébault n'a plus aucun mandat, fonction ou lien juridique avec SeaBubbles ». Coupure de presse à l'appui, évoquant du même temps l'interdiction de gestion qui avait été alors prononcée à cette époque par le tribunal de commerce de Paris.

A l'époque, La Tribune avait tenté de contacter Alain Thébault, sans succès, mais le navigateur avait plaidé auprès du journal Ecomedia la « négligence », annonçant sa volonté de faire appel de cette décision dont il n'affirmait ne pas avoir eu connaissance, avant l'article rédigé par l'Agefi. « Cette décision concerne un vieux dossier. On me reproche de ne pas avoir répondu aux courriers qui m'ont été adressés, alors que j'avais vendu mon appartement parisien pour financer ma traversée du Pacifique en Hydroptère. Et il n'y a pas de suivi du courrier au milieu de l'océan... », affirmait-il alors. Depuis, une nouvelle décision de justice a levé cette condamnation à la mi-décembre, laissant Alain Thébault libre de conduire, s'il le souhaite, une nouvelle expérience entrepreneuriale en France.

(publié le 08/07/2021, actualisé le 04/01/2021)

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Commentaires 3
à écrit le 09/07/2021 à 7:28
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Se lancer dans de tels investissements en espérant que la législation s'adaptera est un peu osé. Quand au prix de vente pressenti, il rappelle une remarque faite à propos d'un engin routier: "Le snobisme du prix est un peu trop marqué"

à écrit le 08/07/2021 à 23:18
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Grâce à Macron et son fond sans autre avenir que celui d'enrichir les dirigeants de micro-entreprises dites "startups", Alain Thébault dort confortablement sur un matelas de billets... après avoir raconté sa fable de bateau volant qui ne répond à ...

à écrit le 08/07/2021 à 21:16
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Dommage c'était un beau projet français ,espérons qu'il y aura un avenir pour ces seabubbles ..

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