Vallée de la chimie, projet Usin... Comment le Grand Lyon veut remettre l'industrie au coeur de la ville

La Métropole de Lyon héberge aujourd'hui l'une des plus importantes zones industrielles de France, avec en premier lieu, sa Vallée de la chimie. Un an après son arrivée, le président EELV Bruno Bernard a démontré contre toute attente qu'il souhaitait réindustrialiser oui, mais en faisant de l'industrie un exemple de transition. Avec pour cela, un autre projet emblématique, celui des ex-ateliers Bosch de Vénissieux, qui hébergent désormais un projet d'activités industrielles (Usin) au coeur de la métropole.
A Lyon, la volonté de replacer l'industrie au coeur de la ville tout en la verdissant davantage s'illustre déjà par deux exemples concrets à l'échelle de la métropole : avec des projets autour de l'historique Vallée de la Chimie, mais aussi de la très récente Usin (ex-Bosch), à Vénissieux, où le constructeur allemand fabriquait jusqu'en 2020 ses anciennes pompes à injection diesel.
A Lyon, la volonté de replacer l'industrie au coeur de la ville tout en la verdissant davantage s'illustre déjà par deux exemples concrets à l'échelle de la métropole : avec des projets autour de l'historique Vallée de la Chimie, mais aussi de la très récente Usin (ex-Bosch), à Vénissieux, où le constructeur allemand fabriquait jusqu'en 2020 ses anciennes pompes à injection diesel. (Crédits : DR Usin)

A la Ville comme à la Métropole, les exécutifs EELV arrivés au pouvoir en juillet dernier à Lyon sont désormais en contact avec les réalités du terrain. Et ils doivent composer avec un territoire fortement industrialisé, comprenant des zones emblématiques, comme la Vallée de la chimie.

Répartie sur un bassin de vie englobant 14 communes, cette plateforme de 25 kilomètres linéaires, établie le long du Rhône, accueille par exemple 18 grands groupes et près de 50.000 salariés (dont 10.000 emplois industriels). Avec parmi eux, 7 sites classés Seveso, mais aussi 6 centres de R&D de rayonnement mondial.

De prime abord, la question du développement de cette vallée industrielle, dont une partie de la gestion du foncier était jusqu'ici gérée par la métropole (à travers sa mission dédiée "Vallée de la Chimie"), n'est pourtant pas aussi incompatible qu'elle en avait l'air, avec les ambitions du nouvel exécutif écologiste.

Car le président EELV du Grand Lyon, Bruno Bernard, n'est lui-même pas étranger à la thématique de l'industrie et même de la chimie : en 2007, il avait même fondé une société spécialisée dans la dépollution et le désamiantage, avant de se lancer en politique. C'est donc avec une forme de pragmatisme que l'élu écologiste s'est saisi de la question industrielle, avec un message qui pourrait se résumer ainsi : oui à l'industrie, tant qu'elle devient propre et moins polluante.

Car en 2020, les émissions de CO2 de la Vallée de la Chimie représentaient 26% des émissions de la Métropole de Lyon (selon des données communiquées par ATMO AuRA). Pour sa première vice-présidente de la Métropole de Lyon déléguée à l'économie, Emeline Baume, il y avait donc nécessité à réaliser un accompagnement vers "la sobriété et l'efficacité des matières énergétiques".

Pour justifier sa propension à conserver ces industries à l'échelle de son territoire, celle-ci ajoutait cependant :

« Il vaut mieux promouvoir l'activité productive en France, dans une démocratie qui dispose notamment d'une réglementation environnementale. Notre logique n'est pas de favoriser la délocalisation, mais de maintenir au contraire les entreprises présentes et développer l'accompagnement », souligne Émeline Baume.

L'industrie lyonnaise, un marqueur qu'on ne peut pas gommer

Un an après leur arrivée, les nouveaux élus lyonnais ont donc fait montre de leur volonté de collaborer avec l'écosystème industriel en place :

« La métropole est l'une des plus grosses zones industrielles de France, et ces entreprises sont déjà très présentes : on ne peut pas gommer cette réalité, affiche Emeline Baume. Ce territoire est aussi très hétérogène, avec des industries dans la chimie, le BTP, la métallurgie, etc, et nous pouvons au contraire choisir de nous appuyer dessus ».

Actuellement, le territoire métropolitain compte en effet "5.300 hectares de zones industrielles [sur une surface métropolitaine totale de 54.000 hectares au total, n.d.l.r], ce qui représente également près de 80 % du zonage économique", selon le PLU-H. Un positionnement fort puisqu'à titre de comparaison, 12.000 hectares sont par exemple dédiés à l'agriculture.

Cette place de taille se retrouve également sur le volet de l'emploi, puisque le Grand Lyon compte près de 6.700 établissements industriels qui emploient un total de 75.500 salariés - soit 13 % des emplois du territoire métropolitain - principalement au sein de la métallurgie, des machines, de la chimie, des produits pharmaceutique et de l'énergie.

Accompagner la transition de la vallée de la Chimie

Fin 2020, la Métropole a ainsi amorcé un premier pas en s'associant, aux côtés d'une dizaine d'acteurs privés de la Vallée de la Chimie, à la création d'un nouveau collectif, Lyon Rhône H2v. Objectif : "faire émerger et de structurer une filière locale hydrogène vert, en vue de soutenir la réalisation de projets", en réponse à un appel à projets lancé par l'ADEME.

Rien que dans la vallée de la Chimie, plusieurs projets emblématiques de cette transformation ont également reçu la visite de Bruno Bernard : à commencer par l'unité de valorisation des terres issues des travaux du BTP et publics, Terenvie, issue de  « l'Appel des 30 » émis par la Métropole de Lyon dès 2014 et désormais en service depuis deux ans.

Ou encore le projet de l'industriel isérois Symbio, qui prévoit d'y installer sa première unité industrielle de fabrication de piles à hydrogène à horizon 2024, appelée à occuper 25.000 m2 en vue de produire jusqu'à 20.000 systèmes hydrogènes par année.

Et c'est sans compter les derniers lauréats du programme Cleantech de la Vallée de la Chimie, dont la dernière édition publiée en mars 2021 offre également un lieu d'implantation à six nouvelles startups industrielles, là aussi en plein coeur de la vallée de la chimie.

Pour autant, ces projets ont été sélectionnés en partie pour leur coloration verte, qui s'associe aux objectifs de transition énergétique prônés par la majorité EELV. C'est par exemple le cas du chimiste Separative, du tanneur de cuir de poisson Ictyos - Cuir Marin de France, du recycleur de métaux rares Mecaware, ou encore du fabricant de pigments d'origine renouvelable Pili...

Mais aussi celle de l'industrie au coeur de la ville

Cette volonté de la nouvelle gouvernance écologiste se traduit également par un autre projet plus récent : celui de la réhabilitation de l'ancien site Bosch de Vénissieux, devenu le nouveau totem de l'industrie lyonnaise. Ce lieu, où le constructeur allemand fabriquait jusqu'en 2020 ses anciennes pompes à injection diesel a désormais une autre vocation, sous le nom d'Usin.

S'il s'agissait d'un projet enclenché dès 2017 sous l'ancienne majorité, son ouverture en janvier 2021 a été accompagnée par le nouvel exécutif métropolitain, qui a choisi d'en faire un symbole de ce que pourrait être l'industrie au coeur de la ville de demain.

Neuf entreprises sont en effet déjà installées sur un terrain de 30.000 m², se rangeant derrière la volonté affichée de « retrouver une mixité des fonctions urbaines avec logements, services et production en pleine ville », non loin du nouvel Ikea.

A tel point qu'aujourd'hui, "pour la location industrielle, tout est occupé", constate Audrey Delaloy, directrice du site pour la Société d'équipement du Rhône et de Lyon (SERL), qui avait été retenue par le Grand Lyon pour acquérir le foncier du site et développer le projet. Avec, à ses côtés, la Banque des Territoires ainsi que la Caisse d'Epargne Rhône Alpes, ont accompagné le financement de l'enveloppe nécessaire à la réhabilitation de ce site, à hauteur de 80 millions d'euros.

Il faut dire que le projet ne compte pas s'arrêter là : sa surface est encore appelée à doubler au cours des huit prochaines années, pour atteindre les 60.000 m², et ne comprendra pas uniquement un site industriel, mais également des lieux collectifs, un parc ainsi que de nouveaux ateliers (rénovés et bâtis).

Plusieurs nouveaux lots seront ainsi progressivement libérés et commercialisés d'ici 2030.

Une chance pour ses locataires, et pour décloisonner l'industrie ?

Parmi ses locataires, on compte par exemple l'entreprise Les Alchimistes, qui a choisi de s'installer à Usin dès février 2021, après avoir démarré au sein du quartier Saint-Jean de Villeurbanne. En tant que transformateur de déchets alimentaires en compost, son activité qui avait pris un virage plus industriel nécessitait en effet un site à la fois adapté, spacieux et bien connecté... et pas toujours simple à dénicher :

"La facilité serait d'aller loin de la ville.... Car bien souvent, si l'on veut établir de grosses plateformes, elles seront nécessairement sur du foncier agricole, alors qu'ici, on peut trouver des sols déjà artificialisés", explique Gaëtan Lepoutre, cofondateur, qui concède que la taille du projet a son importance pour s'implanter sur un tel lieu.

D'ailleurs, de son côté, tout l'enjeu pour la Métropole avait été de pouvoir sanctuariser, au sein de son dernier PLU-H déjà voté sous la précédente mandature, près de 1.800 hectares pour l'industrie et la production, sur un total de 6.900 hectares classés plus largement en zone économique.

"Être proche de la ville permet aussi de limiter les kilomètres parcourus et de se trouver à proximité de là où les gens mangent et vivent. Cela participe aussi à un enjeu d'appropriation et de compréhension des flux des déchets, qui peuvent ainsi devenir aussi plus transparents", défend ainsi le cofondateur des Alchimistes.

De quoi ouvrir l'industrie sur la ville, avec la volonté d'ouvrir aussi matériellement les portes du Totem, puisque celui-ci comprendra également un bâtiment qui sera dédié à assurer la médiation entre les industriels et les habitants, à l'entrée du site : "Cela permettra d'être en interaction avec l'environnement immédiat, et à ces industries de ne pas être repliées sur elles-mêmes", note Audrey Delaloy, au groupe SERL.

Le foncier, mais aussi un fonds d'amorçage

D'ici 2030, le projet Usin ambitionne ainsi d'accueillir jusqu'à 1.200 emplois industriels, avec la volonté de se positionner comme "le lieu Totem de l'industrie urbaine en Métropole lyonnaise."

Un outil foncier donc, mais qui ne sera pas le seul moyen, pour la Métropole de Lyon, de continuer à déployer sa stratégie de réindustrialisation "verte", et de mêler plus largement industrie et transition écologique.

Associée à Saint-Étienne, le Grand Lyon a en effet annoncé il y a quelques semaines la création d'un nouveau fonds d'amorçage industriel, destiné à accompagner justement des projets industriels à saveur plus "verte", qui pourraient se trouver dans une phase de financement jugés "intermédiaires". Là encore avec un principe d'éco-conditionnalité.

Placé sous la gestion de Demeter, ce nouveau fonds sera abondé à hauteur de 17 millions par le Grand Lyon, tandis que l'objectif est qu'il parvienne à mobiliser jusqu'à 80 millions d'euros qui pourraient ainsi être réinvestis dans l'écosystème industriel lyonnais et stéphanois au cours des quatre prochaines années.

Reste à savoir comment les agendas (et les enveloppes) des uns et des autres permettront de faire émerger ces nouvelles orientations, souhaitées par la Métropole lyonnaise. Car les industriels en sont bien conscients : malgré leur engagement dans ce virage, la mutation des procédés industriels se pense sur des échelles de temps souvent longues, de l'ordre de 5 à 10 ans.

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