Universités : après l'échec de l'Idex, deux projets lyonnais partent à la conquête du PIA4

Quelques mois après l'échec de l'IDEX, l'écosystème lyonnais de l'enseignement supérieur et de la recherche s'est relevé les manches pour répondre en urgence à l'appel d'offres du PIA4. Et ce n'est non pas un, mais deux dossiers qui ont été déposés et sont en cours d'instruction : Lynx d'un côté, avec 18 établissements fédérés derrière Lyon 1, et Tools de l'autre, avec l'ENS, Sciences Po et le CNSMDL. Des retombées par dizaines de millions d'euros sont espérées de part et d'autre. Verdict attendu pour la fin du mois.
Au-delà des financements, c'est bien de la visibilité de Lyon, en particulier  à l'international, dont il est question. Le nouvel ensemble proposé au sein du projet Lynx rassemble par exemple 5.700 enseignants-chercheurs, plus de 110.000 étudiants et 170 unités de recherche.
Au-delà des financements, c'est bien de la visibilité de Lyon, en particulier à l'international, dont il est question. Le nouvel ensemble proposé au sein du projet Lynx rassemble par exemple 5.700 enseignants-chercheurs, plus de 110.000 étudiants et 170 unités de recherche. (Crédits : Eric Le Roux / Université Claude Bernard Lyon 1)

Alors que le jury du PIA 4 s'est réuni ce début de semaine, c'est tout l'écosystème lyonnais de l'enseignement supérieur et de la recherche qui retient son souffle.

En effet, deux dossiers, impliquant en fin de compte la quasi-totalité des acteurs lyonnais, ont été déposés : l'un par 18 écoles et institutions fédérées autour de Lyon I dans le cadre du projet Lynx (Lyon Excellences). Et l'autre porté par l'ENS, Sciences PO et le Conservatoire National de Musique et de Danse de Lyon. Avec à la clé, des dizaines de millions d'euros potentiels de financement.

Annoncé en début d'année par Jean Castex, dans le cadre du plan de relance, le PIA 4 (Programme d'investissement d'avenir) est doté de 20 milliards d'euros pour les quatre prochaines années. 12,5 milliards d'euros seront consacrés à l'innovation pour le soutien de filières d'avenir et 7,5 milliards seront destinés au renforcement des écosystèmes de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Lynx : l'après IDEX ?

Le gâteau est donc plus qu'appétissant, ce qui n'a pas échappé aux acteurs lyonnais de l'enseignement supérieur, qui venaient de voir s'échapper leurs espoirs de financement via l'IDEX.

L'IDEX devait mener à la fusion de Lyon 1, Lyon 3, l'Ecole Normale Supérieure de Lyon et l'Université Jean Monnet (à Saint-Etienne). Suite au véto du conseil d'administration de cette dernière (contre l'avis de sa présidente Michèle Cottier), fin 2020, le projet s'était brutalement interrompu, l'Etat refusant de laisser le dossier aller plus loin, tranchant ainsi à vif dans les ambitions lyonnaises.

Ambitions qui n'ont pourtant pas tardé à réapparaitre, quelques semaines plus tard, dans un remarquable rebond.

"Cette fin de l'IDEX, sur lequel nous travaillions depuis des années, a été un vrai traumatisme pour toutes nos équipes. Nous étions tous très conscients que Lyon devait rebondir et vite, il n'était pas question de s'en arrêter là. Au moment de l'arrêt de l'IDEX fin 2020, les services de l'Etat ont été intransigeants sur ce point mais nous ont laissé miroiter le PIA 4 et la possibilité éventuelle de déposer un dossier. Nous avons donc été avertis tôt, ce qui nous a permis de déposer un dossier dès le mois de mars", raconte Frédéric Fleury, président de l'Université Claude Bernard Lyon 1.

Nouvel objectif : 140 millions d'euros de financements à décrocher

Il pilote le projet Lynx (Lyon Excellences) et a fédéré dans cette opération dix-sept autres établissements : Lyon 2, Lyon 3, CPE Lyon, VetAGro Sup, Insa Lyon, Centrale Lyon, Mines Saint-Etienne et l'ENTPE. Il rassemble également le CHU/Hospices Civils de Lyon, le Centre Léon Bérard, le Centre Hospitalier Le Vinatier, et le CIRC (Centre International de Recherche sur le cancer). L'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Lyon (ENSAL) ainsi que le CNRS, l'INSERM, l'INRAE, l'INRIA et l'IFPEN seront également associés au projet.

"Notre objectif est d'obtenir 140 millions d'euros de financement de l'Etat. Ils viendraient compenser en partie les 25 millions d'euros par an que nous attendions de l'IDEX", poursuit Frédéric Fleury.

Quatre thématiques principales ont été présentées dans le dossier PIA 4 : " de la santé personnalisée à la santé globale", "changements climatiques et environnementaux", "Matière, matériaux et industrie propre", et "Transformation des sociétés". Il s'agira de conduire des travaux scientifiques multidisciplinaires, faisant intervenir plusieurs écoles et/ou organisations.

Un projet plus fédérateur que l'IDEX ?

"En janvier dernier, je n'aurais pas misé sur un projet aussi fédérateur mais finalement tous les établissements ont réagi très rapidement à l'échec IDEX, nous avons tous voulu rebondir collectivement. Tout le monde a compris qu'il fallait défendre collectivement la place de Lyon et ouvrir un nouveau chapitre, y compris pour la COMUE qui doit évoluer", note Frédéric Fleury.

Car au-delà des financements, c'est bien de la visibilité de Lyon, en particulier  à l'international, dont il est question. Ce nouvel ensemble rassemble en effet 5.700 enseignants-chercheurs, plus de 110.000 étudiants et 170 unités de recherche. Avec une locomotive, Lyon 1 qui pèse à elle-seule 47.000 étudiants et 80 structures de recherche.

"Lyon n'a pas la place qui lui revient aujourd'hui en termes de visibilité internationale, notamment dans les classements. Lyon 1 est la mieux classée à Lyon, mais seulement la 9e française, alors que nous devrions être dans les 5 premiers", assure Frédéric Fleury.

Lynx est bien plus souple que l'IDEX, et c'est peut-être bien là la raison de ce large consensus obtenu si rapidement. Contrairement à l'IDEX, le projet Lynx n'exige aucune fusion, intégration ou transformation institutionnelle des établissements. Ceux-ci peuvent conserver leur personnalité morale et juridique. Et constituer seulement un consortium qui générera, triera et coordonnera les appels à projets.

En parallèle, Lyon 1 souhaite se transformer en établissement public expérimental pour porter une nouvelle marque. Démarche à laquelle CPE Lyon a d'ores et déjà annoncée qu'elle participerait. "Cette nouvelle organisation se fera avec ou sans PIA 4. Les deux établissements seront le noyau dur de cette future nouvelle marque lyonnaise ".

Sans l'Université stéphanoise Jean Monnet...

Si 18 établissements sont fédérés dans Lynx et si le consortium est bien ouvert à Saint-Etienne avec la présence importante de l'Ecole des Mines et de l'Enise (via le groupe Centrale Lyon), il n'accueille pourtant pas l'Université stéphanoise Jean Monnet.

"Logique", pour Frédéric Fleury. "D'une part, lorsque nous avons monté ce dossier, l'université Jean Monnet était sous administration provisoire suite à la démission de son conseil d'administration et de sa présidente. Il n'était pas possible de donner une telle orientation sous administration provisoire". Et d'ajouter :

"D'autre part, il était pour nous difficile d'envisager que nos collègues stéphanois pourraient être intéressés pour défendre la visibilité lyonnaise, comme le prévoit ce projet, alors qu'ils venaient de signifier fortement, avec leur véto, qu'ils préféraient défendre la visibilité de Saint-Etienne".

Mais Frédéric Fleury insiste néanmoins : "Jean Monnet ne figure pas dans le projet en tant qu'institution mais il est évident que nous poursuivrons les projets académiques collaboratifs".

D'autant que l'université stéphanoise semble finalement plutôt ouverte au projet. "Dès que j'ai pris mes fonctions, avant l'été, j'ai envoyé un courrier à l'ensemble des collègues concernés à Lyon et Saint-Etienne pour signifier mes intentions. Nous nous sommes toujours attachés à contribuer à la relation scientifique entre Lyon et Saint-Etienne. De plus, le PIA4 offre, il est vrai, de belles opportunités. J'ai donc sollicité un statut, au moins, d'établissement associé", souligne de son côté Florent Pigeon, nouveau président de l'Université stéphanoise, qui n'a pour le moment pas reçu de réponse officielle.

"Depuis 20 ans, le paysage a été énormément restructuré. Aujourd'hui, la plupart de nos laboratoires sont impliqués dans des projets de recherche collaboratifs avec Lyon. Nombre d'entre eux sont même en cotutelle. Je persiste à penser que nous avons eu raison de repousser l'IDEX, mais tout n'est pas blanc ou noir, il y avait aussi des points positifs qui pourraient être exploités dans le projet Lynx".

L'ENS espère 60 millions d'euros pour son projet Tools

Autre grande absente, remarquée, de Lynx : l'Ecole Normale Supérieure de Lyon, deuxième locomotive lyonnaise des sciences dures avec Lyon 1. Celle-ci a en effet choisi de se désolidariser du projet piloté par Frédéric Fleury, alors qu'elle était impliquée dans le projet IDEX à ses côtés.

Elle a finalement décidé de proposer au jury du PIA4 un autre dossier, baptisé Tools (Transforming and opening learning ad sciences), en collaboration avec Sciences Po Lyon et le Conservatoire National Supérieur Musique et Danse de Lyon. Projet soutenu par le CNRS, l'INRIA, l'INRAe, l'INSERM et l'IFPEN.

"L'appel à projets Excellence du PIA4 n'est pas un appel à projets de structuration, il s'agit plutôt d'un sujet académique et scientifique. Ce n'est pas un deuxième IDEX, il n'est donc pas utile de présenter un seul projet. Il existe une richesse académique forte à Lyon, plusieurs projets peuvent donc co-exister ! Je souhaite que le projet Lynx réussisse également, car je suis attaché à la réussite de l'ensemble des acteurs lyonnais, il n'y a pas de concurrence entre nos deux dossiers", explique Jean-François Pinton, le président de l'établissement.

Tools est très différent de Lynx. Les trois établissements, pesant au total 8.000 étudiants et quelque 2.000 enseignants-chercheurs, ont bâti un projet très académique, tourné vers la thématique de l'ouverture.

Ouverture à la diversité des étudiants via un recrutement plus ouvert et un accompagnement financier, ouverture aux enjeux sociétaux à travers un regard multidisciplinaire et ouverture à l'international. "Notre projet s'appuie sur une forte internationalisation des pratiques, en formation comme en recherche, avec des incitations fortes à la mobilité".

Jean-François Pinton résume : "notre ambition est bien de proposer un projet à impact pour les dix prochaines années. Dans nos trois établissements, nous formons des étudiants qui auront un impact chacun dans leur spécialité. Faire évoluer notre modèle aura donc un impact sur la société". L'ENS, Sciences Po Lyon et le Conservatoire ont sollicité, dans le cadre de cet appel à projets Excellences du PIA 4, un financement de 60 millions d'euros.

Verdict attendu pour la fin du mois.

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