Encadrement des loyers : après Bordeaux et Montpellier, les propriétaires lyonnais déposent (eux aussi) un recours

Alors que le coup d'envoi de l'encadrement des loyers a été donné le 1er novembre dernier au sein de Lyon et Villeurbanne, conformément à la loi Elan, la mesure ne passe pas non plus pour les propriétaires lyonnais. Après les sections locales de Montpellier et Bordeaux, l'antenne lyonnaise de l'UNPI vient elle aussi de déposer son propre recours, auprès du Tribunal administratif de Lyon.
(Crédits : DR/ML)

Il y aura à la fois un recours sur le fond et la forme, déposé au niveau national auprès du Conseil d'Etat par le réseau de l'Union Nationale des Propriétaires Immobiliers (UNPI), mais également, sur le plan local. Depuis la semaine dernière, l'antenne lyonnaise de l'UNPI s'est jointe à ses homologues de Montpellier et Bordeaux pour déposer, elle aussi, un recours à l'encontre de l'encadrement des loyers, comme le confirme à La Tribune la section locale de l'UNPI.

Après avoir été soutenue et présentée par le président EELV de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard, cette mesure est entrée en vigueur le 1er novembre dernier, après la publication d'un décret suivi d'un arrêté du préfet du Rhône fixant les seuils du loyer de référence. Une disposition expérimentale, d'une durée de cinq ans et permise par la loi Elan sur les villes de Lyon et de Villeurbanne (qui représentent à elles seules 71 % du parc locatif privé du Grand Lyon), mais qui suscite toujours sur le terrain une forte opposition des acteurs de l'immobilier local.

Alors que le président de la FNAIM du Rhône n'avait pas caché son opposition à cette disposition, qui prévoit que les loyers ne puissent plus dépasser de plus de 20 % un loyer de référence (fixé et révisé chaque année sur la base d'un arrêté préfectoral, désormais établis selon trois niveaux définis par les données 2020 de l'observatoire local des loyers), c'est désormais au tour de la chambre syndicale des propriétaires du Rhône de monter au créneau.

En plus d'une procédure engagée par l'UNPI au niveau national, comprenant une demande en référé auprès du Conseil d'Etat ainsi qu'une requête sur le fond, les propriétaires lyonnais ont décidé de déposer également, comme à Montpellier et à Bordeaux, leur propre recours local, cette fois auprès du Tribunal administratif de Lyon.

Une mesure "inutile" et qui ne "cocherait pas les cases"

Car selon l'antenne lyonnaise, l'encadrement des loyers, issu de la loi Elan du 23 novembre 2018, serait une mesure "néfaste" mais également "inadaptée" au marché locatif, et ce, à plusieurs titres : son président, Sylvain Grataloup, estime même que les conditions prévues par cet outil ne seraient d'ailleurs "pas remplies" à Lyon, voire même jugées "inutiles".

La loi prévoit en effet que pour être retenue au sein de cette expérimentation, une métropole remplisse les critères suivants : soit "un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen dans le parc locatif social", mais aussi "un niveau de loyer médian élevé", "un faible taux de logements commencés rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années", ainsi que "des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l'habitat et de faibles perspectives d'évolution de celle-ci".

Argument principal défendu par l'UNPI ? Les loyers pratiqués au sein de la métropole lyonnaise seraient en réalité déjà "encadrés" par une autre disposition, la loi Alur de mars 2014, qui prévoit, entre autres que les nouveaux baux signés ne puissent excéder le montant payé par le précédant locataire, au titre des "zones tendues". Lyon fait en effet partie des 1.149 communes (réparties dans 28 agglomérations) concernées par cette mesure, de la même façon que Bordeaux, Paris, Lille, Marseille ou Toulouse.

Avec, dans le cas où le loyer n'aurait pas été révisé depuis au moins 12 mois, une possibilité d'augmenter celui-ci uniquement à l'aide d'un IRL (l'indice de référence des loyers), calculé par l'INSEE.

Pour l'UNPI, les chiffres brandis par l'Observatoire local des loyers (OLL) et ayant servi de base à l'encadrement des loyers en seraient même la démonstration : avec un loyer médian de 11,90 euros/m² en 2020 (et de 12,6 euros/m² sur Lyon et Villeurbanne), et des petites surfaces où ces chiffres grimperaient cependant jusqu'à 22,60 euros/m2 pour les petites surfaces (et un loyer médian de 15,6 euros/m²) au sein de la métropole lyonnaise, le président de l'UNPI 69 répond :

"Cela démontre que les loyers n'augmentent pas plus qu'ailleurs à Lyon, mais surtout que cette augmentation reste encore inférieure à l'inflation. Les loyers à Lyon sont donc élevés, mais ils ne flambent pas plus qu'ailleurs et sont en réalité déjà encadrés par une loi", estime Sylvain Grataloup.

Des rendements en berne et "un frein à l'investissement"

Autre argument évoqué pour contrecarrer ce dispositif expérimental de cinq ans : le fait que la comparaison entre le loyer du parc social et le loyer du domaine privé (perçu comme l'un des quatre critères pouvant donner lieu à une telle mesure par la loi Elan), ne serait pas "tenable", au vu des coûts d'acquisitions du foncier et des charges supportées par les bailleurs privés (taxe foncière, IFI, nouvelles réglementations en lien avec les performances énergétiques des locations, etc). "A chaque fois, il s'agit de nouvelles dépenses qui ne pourront pas être compensées par un rendement".

Conséquence de quoi, à l'heure où le rendement des propriétaires de biens immobiliers s'apprête à chuter fortement (alors qu'il pouvait jusqu'ici atteindre 4 à 5%), l'UNPI craint que les investisseurs ne choisissent tout simplement de se détourner de la métropole lyonnaise. Avec pour effet "d'accroître encore davantage" la tension sur le marché de l'immobilier :

"Nous recevons déjà beaucoup de questions concernant les conséquences de cette mesure d'encadrement des loyers de la part de propriétaires, et l'on voit déjà que des programmes immobiliers d'envergure, notamment dans l'ouest de la métropole, sont actuellement stoppés car ils ne trouvent plus preneurs. Les investisseurs s'intéressent désormais à d'autres secteurs comme le sud et le sud-ouest de la métropole, qui ne sont pas concernés par cette mesure", ajoute Sylvain Grataloup.

De son côté, le président EELV du Grand Lyon Bruno Bernard n'était pas du même avis et estimait, il y a quelques semaines dans une interview à La Tribune, que "contrairement, à ce que peuvent dire certains, l'encadrement des loyers ne fera absolument pas fuir les investisseurs privés (...). Ils sont d'ailleurs loin de se détourner de notre territoire". Il rappelait au passage que cette mesure n'était qu'un outil, parmi d'autres, pour adresser la problématique du besoin en logements.

Augmenter la construction neuve

Face à une tension sur le marché du logement qu'il ne conteste pas, le président de l'UNPI 69 est quant à lui de ceux qui militent pour une augmentation du volume de constructions neuves afin de répondre aux besoins des 15.000 nouveaux arrivants qui débarquent chaque année à l'échelle du Grand Lyon.

Et d'ajouter que même si la crise a renforcé la demande pour les extérieurs de la ville, celle-ci serait aujourd'hui nuancée vers le retour à une vie quotidienne "plus normalisée", "où les locataires n'ont pas envie de faire des kilomètres en voiture dans les bouchons pour emmener leurs enfants au foot".

Un dossier qui, en filigrane, traduit également le mécontentement des propriétaires-bailleurs sur une mesure qu'ils jugent en bout de ligne "passée en force". D'abord, sur le plan local, où les acteurs immobiliers (UNPI, UNIS, FNAIM, etc...) regrettent "un manque de concertation" des équipes métropolitaines en charge de ce dossier. Et de souligner : "les corps intermédiaires n'ont pas été sollicités, alors que cela a toujours été dans la tradition lyonnaise". Mais aussi du côté de l'Etat, puisque l'UNPI affirme avoir écrit à la ministre du Logement à deux reprises, avec des demandes d'échanges restés lettre morte.

Au niveau national, une première décision du Conseil d'Etat sur le caractère "urgent" du référé-suspension est attendue dès ce mercredi 24 novembre, tandis que la procédure sur le fond pourrait prendre,  quant à elle, "près d'un an" pour aboutir à une décision, selon le président de l'UNPI 69.

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Commentaire 1
à écrit le 23/11/2021 à 11:11
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Dans ce cas, il faut encadrer les taxes, le loyer est avant tout un empilement de taxes. Si la part propriétaire passe en dessous de l'inflation, ce qui est souvent le cas, le propriétaire vendra au lieu de louer et fera autre chose de ses fonds.

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