Plan d'action contre les PFAS : le Grand Lyon veut que la Vallée de la Chimie devienne un « site pilote prioritaire »

Le calendrier gouvernemental et préfectoral s'est téléscopé en l'espace de quelques heures : alors que l'Etat français présentait hier son premier plan d'action national sur les PFAS, ces polluants éternels jusqu'ici largement utilisés par l'industrie pour leurs différentes propriétés, la Préfecture du Rhône publiait elle même son dernier relevé de mesures, confirmant la présence de perfluorés au sein des œufs prélevés dans des poulaillers de Pierre-Bénite et d'Oullins chez des particuliers. Vingt quatre heures plus tard, la Métropole de Lyon, conduite par l'écologiste Bruno Bernard, demande au gouvernement d'aller plus loin sur sa stratégie nationale et de faire de la Vallée de la Chimie un « site pilote prioritaire ».
(Crédits : DR/métropole de Lyon)

Depuis quelques mois, la question de la pollution aux perfluorés (PFAS) et de ses conséquences pour les habitants agite la scène lyonnaise. Car depuis la publication de l'enquête Vert de rage, diffusée en mai dernier et qui avait révélé des concentrations très largement supérieures à la moyenne pour les riverains de la Vallée de la Chimie lyonnaise, le sujet avait provoqué plusieurs séries de mesures de la part de la préfecture du Rhône, ainsi que le dépôt d'un recours en justice par l'association Notre affaire à tous. Un arrêté préfectoral avait d'ailleurs contraint l'industriel Arkema à réduire son utilisation des PFAS pour en venir à cesser complètement d'ici la fin 2024.

Utilisés massivement pour des applications industrielles, et notamment pour des propriétés antiadhésives, imperméables ou résistantes depuis les années 1950, ces quelques 4.500 composés sont souvent qualifiés de « polluants éternels » en raison de leur persistance dans l'environnement. Et malgré la succession d'alertes émanant des scientifiques concernant leurs effets (cancers, perturbations du système endocrinien, augmentation du taux de cholestérol, baisse de la fertilité ou de l'immunité, etc), il n'existe toujours pas à ce jour de réglementation précise en France pour les interdire. Un premier règlement européen, qui monitorera la présence de 20 PFAS au sein de l'eau potable, n'entrera en vigueur qu'en 2026.

De premières analyses des prélèvements en milieux aquatiques avaient cependant déjà confirmé, fin octobre dernier, la présence de perfluorés dans les poissons pêchés dans le Rhône (de l'ordre de 22 à 110 microgrammes par kilo, soit un seuil supérieur aux maximales prévues dans le futur règlement européen sur les denrées alimentaires) et conduit l'Agence Régionale de Santé (ARS) à recommander aux habitants de ne plus consommer les poissons pêchés ainsi dans le fleuve, entre Pierre-Bénite et Péage-de-Roussillon.

Ne plus consommer les œufs produits ni la chair des volailles

Cette fois, c'est au tour d'une nouvelle série d'analyses, réalisées sur des oeufs prélevés dans les poulaillers de particuliers résidant sur les communes de Pierre-Bénite et d'Oullins, à proximité de la Vallée de la Chimie, que les résultats sont tombés.

Et ils relèvent à nouveau des seuils dépassant jusqu'à 13 fois (soit 1,70 μg/kg de poids à l'état frais) la valeur réglementaire consommable à Pierre-Bénite, commune où se situe l'usine d'Arkema, et même jusqu'à 16 fois à Oullins (avec un taux de perfluorés qui atteint 28,30 μg/kg).

Résultat : après le recueil de ces données, mené conjointement avec la direction départementale de la protection des populations (DDPP) et la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), ainsi que l'agence régionale de santé (ARS), la préfecture du Rhône a ainsi émis la recommandation de « ne pas consommer les œufs produits ni la chair des volailles » sur ces deux communes, ainsi que sur les localités voisines de Saint-Genis-Laval et d'Irigny, « en l'absence de données exploitables ».

Dans son communiqué, la Préfecture du Rhône note en effet que « la présence de ces PFAS dans les œufs s'expliquerait par la contamination des sols. En picorant, les poules se contaminent, et contaminent ensuite leurs œufs. Bien que les œufs aient une plus forte capacité à concentrer les PFAS que les volailles pondeuses et qu'il n'y ait pas de données actuellement disponibles sur la contamination potentielle de leur chair, les services de l'État présupposent une contamination de la chair des volailles ».

Le tout en annonçant « des études complémentaires (qui) vont être menées par les services de l'État pour déterminer plus précisément la zone impactée ».

La Métropole de Lyon réagit

En l'attente, ces résultats viennent de faire réagir la Métropole de Lyon, conduite par l'écologiste Bruno Bernard, qui se trouve elle-même aux commandes de la mission dédiée justement au développement foncier de la Vallée de la Chimie, aux côtés des industriels du territoire (et qui avait donné lieu à un appel à projet en deux phases -2014 et 2016- pour le redéveloppement de 30 hectares de foncier industriel sur ce site).

Dans un communiqué publié ce mercredi, la Métropole de Lyon rappelle que son territoire, et notamment la Vallée de la Chimie, est « concerné au premier titre par le plan ministériel sur les PFAS annoncé hier », et en profite pour inciter le gouvernement -et notamment le ministère de l'Environnement de Christophe Béchu- à aller « beaucoup plus loin et beaucoup plus vite dans son plan d'action PFAS », qui venait justement d'être présenté ce mardi.

Un document dans lequel l'Etat français s'engageait pour rappel lui-même sur six pistes d'actions à mener, afin de « mieux surveiller et identifier les sites émetteurs de ces «produits chimiques éternels ». Ce plan national vise notamment à « saisir l'Agence nationale de sécurité sanitaire en vue d'établir à l'échelle française des valeurs maximales de concentration » à respecter, à « réduire les émissions des industriels émetteurs de façon significative »ainsi que l'engagement de « porter au niveau européen une interdiction large pour supprimer les risques liés à l'utilisation ou la mise sur le marché des PFAS ».

Et cela, à l'heure même où un projet plus global d'interdiction de l'usage des PFAS, déposé par cinq pays européens (dont l'Allemagne, le Danemark, le Pays-Bas, la Suède et la Norvège) à l'Agence européenne des produits chimiques, devrait être rendu public le 7 février prochain, dans le cadre de la réforme du règlement européen Reach.

Mais le Grand Lyon compte également aller plus loin et demande à ce que la Vallée de la Chimie elle-même, qui rassemble une dizaine de grands industriels (Arkema, Daikin, Elkem, Solvay, Total, Air liquide, etc) devienne « un site pilote d'action prioritaire » avec la « mise en œuvre d'une étude épidémiologique », jugée « indispensable ».

Un rapport visant à identifier les différentes sources de PFAS a d'ailleurs été commandé par le Ministère de la transition écologique à l'échelle de l'ensemble du territoire français aux services de l'inspection générale : reste à voir comment se déclineront ses résultats, qui sont attendus pour février prochain.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.