Homéopathie : deux ans après le déremboursement, Boiron renoue avec la croissance

Sa directrice générale s'était battue jusqu'au bout, afin de faire plier le gouvernement et de sauver les 512 emplois menacés par le déremboursement de l'homéopathie. Finalement, l'étape tant redoutée par le laboratoire lyonnais a eu lieu le 1er janvier 2021. Deux ans plus tard, le géant des granules homéopathiques se relève et pointe à nouveau du côté de la croissance, en France comme en Europe. Son plan social désormais complété, Boiron poursuit sa route vers de nouveaux axes de diversification avec un nouveau né : un test combiné grippe-Covid.
(Crédits : DR)

« Deux ans après le déremboursement de l'homéopathie, nous connaissons effectivement un retour de la croissance, et ce, dans toutes les zones et dans tous les segments de produits », se félicite Valérie Lorentz Poinsot, directrice générale des Laboratoires Boiron. Car au cours des dernières années, le navire aura tangué plus d'une fois.

Après une première phase où le remboursement avait progressivement chuté de 30% à 15% début 2020, la menace tant redoutée par le laboratoire lyonnais avait fini par se concrétiser au 1er janvier 2021 : à l'issue d'un bas de fer avec le gouvernement français, l'homéopathie avait finalement été entièrement déremboursée par l'Assurance Maladie. Une mesure qui devait permettre à l'Etat d'économiser des dépenses annuelles estimées à 126,8 millions en 2018, tous médicaments homéopathiques confondus, produits notamment par les laboratoires (Boiron, Weleda et Lehning essentiellement).

Le laboratoire lyonnais avait alors annoncé un vaste plan de réorganisation, comprenant la fermeture de 13 sites ainsi que la suppression de 512 emplois (soit 18,5 % des effectifs du groupe), ainsi que l'ouverture de ses activités à d'autres axes de diversification : nouveaux produits homéopathiques, phytothérapie, assemblage de tests Covid, et même participation à un programme expérimental de cannabis thérapeutique...

Le retour de la croissance en 2022

Deux ans plus tard, ce début d'année marque une première victoire pour Boiron, puisqu'il annonce un chiffre d'af­faires de 534,2 millions d'eu­ros (contre 513,6 millions avant le déremboursement en 2020), ce qui représente également une progression de +17,4% par rapport à l'année précédente.

Et si les résul­tats annuels consolidés ne seront dévoilés qu'après la clôture de la Bourse, le 21 mars prochain, Valérie Lorentz Poinsot pointe déjà une forme « d'inversion de tendance, qui démontre que l'entreprise est résiliente. Nous n'avons pas vendu que des tests ou des compléments alimentaires cette année, ce sont bien l'ensemble de nos produits qui renouent de nouveau avec la croissance ».

Car la progression se vérifie désormais à l'échelle de l'ensemble de ses marchés : en dépit d'une baisse des ventes de médi­ca­ments homéo­pa­thiques à nom commun, Boiron confirme une croissance globale à la fois sur le marché français (+9,4%, avec 261 millions d'euros de ventes), mais aussi en Europe (+12,5%, à 130 millions d'euros), et en Amérique du Nord (+43,7%, à 120 millions d'euros).

La directrice générale estime que le retour des virus hivernaux après deux années de mesures sanitaires liées à la pandémie, ainsi que la confiance - qu'elle estime encore présente et renouvelée dans les produits homéopathiques - continue de peser dans la balance.

« Une récente étude menée par le cabinet Harris Interactive démontre que 84% des Français demandent encore le remboursement de l'homéopathie et 75% estiment avoir encore confiance », appuie-t-elle. D'ailleurs, elle nous confie qu'à ce sujet, son combat n'est pas tout à fait terminé : depuis la nomination du nouveau ministre de la Santé, François Braun, le laboratoire Boiron a réouvert le dialogue avec son cabinet pour appuyer un éventuel retour du remboursement.

« Nous appelons le gouvernement à prendre conscience du vrai manque qu'il existe pour les patients, qui sont toujours là, et notamment les enfants ou les femmes enceintes pour lesquels l'homéopathie représentait parfois l'une des seules solutions pour accompagner certains symptômes ou maladies chroniques ». Et d'ajouter : « M. Braun est potentiellement plus ouvert, en tous les cas c'est un médecin de terrain ».

Côté prix, le déremboursement aura également pesé sur la facture des clients, puisque le prix moyen des granules homéopathiques est passé de 2,45 euros en moyenne en 2019, à 3,80 euros. « Il faut rappeler que nous avons également été touchés par une hausse automatique de la TVA qui est passée de 2,1 % à 10 %, et nous avons subi les effets de l'inflation », pointe Valérie Lorentz Poinsot. Malgré cette hausse des prix, la directrice générale rappelle que le marché français a réussi à maintenir des prix plus bas que ses voisins européens, où les tubes de granules sont actuellement plus proches de 5 euros l'unité.

Tests covid/grippe et cannabis thérapeutique : deux axes de diversification en marche

En l'attente, le laboratoire lyonnais continue cependant d'avancer vers de nouveaux axes de diversification : à la fois dans le champ de l'homéopathie, avec la commercialisation de nouveaux produits innovants comme Varisole, un remède homéopathique visant à enrayer les symptômes de la varicelle. A ce sujet, la vente de nouveaux produits (commercialisés depuis 2020) a ainsi rapporté 77,6 millions d'eu­ros au groupe, soit 26,5 millions de plus qu'en 2021.

Mais aussi du côté des tests Covid : après avoir lancé des activités de test et d'assemblage avec son partenaire breton NG biotech, le laboratoire a commencé à commercialiser, depuis l'obtention de son autorisation de mise en marché en novembre dernier, un nouveau test nasopharyngé combiné (Covid et grippe), en partenariat avec la biotech Anbio, basée en Chine et aux Etats-Unis, en charge de la fabrication des tests.

Si Valérie Lorentz Poinsot demeure discrète sur les chiffres, elle affirme que les contrats seraient suffisamment souples pour couvrir la demande européenne et française à ce sujet : « L'an dernier, nous avons par exemple livré jusqu'à un million de tests en une seule journée », affiche-t-elle, rappelant que Boiron est toujours chargé de réaliser le contrôle qualité de ce nouveau test, qui ne peut être réalisé que par des professionnels de santé (pharmaciens, kinésithérapeutes, etc). « Son prix reste comparable à un test Covid, il n'y a pas beaucoup d'écart », reprend la dg. En pratique, la partie liée au test Covid est entièrement remboursable par l'Assurance maladie, seule une portion de la prestation liée à la grippe peut être facturée en sus aux patients.

Le laboratoire lyonnais mise également sur une autre botte secrète, qui a cependant pris du retard : sa participation à une expérimentation sur le cannabis thérapeutique, qui a finalement été décalé d'un an et aura lieu de mars 2023 à mars 2024.

« Nous sommes toujours auront des fournisseurs suppléants, mais ce statut peut changer d'une semaine à l'autre. C'est un sujet sur lequel nous continuons de travailler, car notre laboratoire possède déjà une expertise dans le milieu des plantes stupéfiantes, avec le coca, l'opium... Il nous paraissait donc très logique de nous intéresser également au cannabis. »

Un enjeu qui demeure : la facture énergétique

Reste à à voir comment la flambée des coûts de l'énergie pourrait encore impacter, au cours des prochains mois, ses conditions de production. Car avec la flambée des prix des transports et des matières premières, la directrice générale affirme que la rentabilité du groupe aurait connu un recul en 2022.

« Nous avons dû réajuster nos prévisions à ce sujet, car les prix de certaines matières ont augmenté de 100% », confirme la directrice générale, qui rappelle qu'un large spectre de matières nécessaires à ses procédés de fabrication (cartons, plastiques, mais aussi alcool, sucre...) sont aujourd'hui touchés par ses hausses.

« Nous avons fait le choix de fabriquer en France, notamment à Lyon, et nous le maintiendrons. Cela nous oblige aussi à mieux gérer nos approvisionnements. Nous avons également décidé d'installer 11.000 m² d'ombrières solaires sur nos parkings, mais nous faisons face, à ce sujet, à d'importantes contraintes administratives où l'on nous demande notamment de mener des fouilles sur notre terrain, ce qui pourrait  grandement retarder notre installation », reconnait Valérie Lorentz Poinsot.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.