« Cette année, nous n'avons pas fait une récolte pleine, mais elle est qualitative » (Michaël Gerin, Côte-Rôtie)

LYON BUSINESS. Les vins Côte-Rôtie nationalement et mondialement reconnus, sont produits dans le Sud du département. Ce vignoble tout en coteaux est protégé contre certains aléas climatiques, mais pas les plus extrêmes comme l'épisode de gel de 2021. Michaël Gerin, président du syndicat des vignerons de l'AOC Côte-Rôtie, explique comment les vignerons s'adaptent au réchauffement climatique, tout en devant composer avec l'inflation des prix des bouchons, bouteilles. Ce vin haut de gamme ne connaît toutefois pas de baisse de popularité.
(Crédits : DR Capture écran)

Côte-Rôtie est l'un des plus prestigieux vins de la vallée du Rhône, produit au sud du département, dans les communes d'Ampuis, Saint-Cyr-sur-le-Rhône et Tupins et Semons. L'AOC regroupe une centaine de producteurs qui produisent environ 1,2 million de bouteilles par an.

Pour 2022, « on est très heureux, on a fait une superbe récolte. L'année a été très sèche, on a eu très peu d'eau malheureusement. C'est un gros problème pour toute la nature, mais on a tiré notre épingle du jeu, car la vigne a besoin de très peu d'eau. On a un millésime très qualitatif qui est très concentré et nos clients vont se régaler dans deux ans », déclare Michaël Gerin, président du syndicat des vignerons de l'AOC Côte-Rôtie.

Vivre avec le réchauffement climatique

Le réchauffement climatique, engendre des aléas de plus en plus extrêmes comme le gel noir de 2021 ou la sécheresse de 2022. Ces deux événements ont fait perdre environ 50% des récoltes (dont 30% pour le gel). « Cette année on ne fait pas une récolte pleine sur Côte-Rôtie, on fait 35 hectolitres par hectare, c'est 15% de moins que ce qu'on peut faire au maximum. Par contre la récolte est très qualitative. »

« L'épisode de gel a été incroyable et très dur pour tous, donc on espère ne pas revivre ça tous les an. » Et au vu des prévisions climatiques, la situation ne tend pas vers une amélioration.

Les vignerons tentent d'anticiper : « On a quelques solutions, surtout dans la période de taille. C'est ce qu'on est en train de faire en ce moment avec nos équipes : on essaye de retarder au maximum la taille dans les endroits les plus froids et les plus gélifs. Et notre vignoble, qui est magnifique et en coteaux, nous protège normalement de ces épisodes de gel puisque l'air froid va vers le bas des coteaux. Malheureusement en 2021, ce vortex polaire descendu du Nord a été tellement puissant que rien n'a pu résister et c'était très compliqué», explique Michaël Gerin.

Pour faire faire face à toutes ces évolutions climatiques, certaines AOC ont été contraintes de réorganiser la gestion de leurs stocks pour lisser les réserves et les ventes dans le temps. « Côte-Rôtie est une appellation où on a énormément de demandes et justement peut-être pas assez de stock, donc on essaye de contraindre nos acheteurs à acheter un peu moins surtout avec les faibles récoltes qu'on a eu. »

 Évolution de la consommation

Les goûts des consommateurs ont aussi évolué dans le temps. « Les agriculteurs se sont toujours adaptés au climat, mais aussi en fonction des goûts et, bien évidemment, on voit que les gens consomment de moins en moins, mais mieux. On a la chance d'être une toute petite appellation, ça permet de faire de la qualité, de la haute-couture. »

Avant la crise sanitaire, 30% des ventes se réalisaient à l'export, vers la Belgique, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis. « Après la crise sanitaire, on est à peu près sur les mêmes bases. Ce qui signifie que le marché français est très attaché aux vins qui sont à côté de chez eux. Le Covid a fait qu'on vendu beaucoup plus en France, mais on retrouve des bases très classiques en ce moment. »

Avec l'inflation, le prix du verre et des bouchons a été multipliés par trois. Une bouteille coûtait 25 centimes, en coûte aujourd'hui 65 centimes. « Ça a un impact sur le consommateur final malheureusement. Pour des vins très haut de gamme comme Côte-Rôtie, en pourcentage, c'est bien moindre. Par contre sur des vins d'entrée de gamme, des Côtes du Rhône, des vins de pays, ce que les gens, parfois avec moins de moyens, consomment le plus, ça va encore les impacter », développe Michaël Gerin.

Les prix ont donc augmenté entre un euros et 1,5 euro de plus sur les bouteilles les plus basses, « avec un surcoût lié aussi à la transition écologique de nos domaines. »

Aussi, 13% des surfaces sont déjà certifiées et « j'espère que la moitié de la Vallée du Rhône sera certifiée en bio d'ici 2030. Ce qui implique aussi plus de matériel, plus de personnel. Nos clients sont prêts à l'accepter mais c'est vrai que ça fait beaucoup de hausse. »

Inquiétude sur le foncier

Ce qui mène aussi a une baisse de vente de vin d'entrée de gamme dans la grande distribution, par exemple. « Pour Côte-Rôtie on a  pas trop à faire à eux. Dans la vallée du Rhône par exemple, et les vins en Côte du Rhône pour ceux qui ont des énormes marchés ça va être un énorme bras de fer j'imagine. Parce qu'avec toutes ces hausses et connaissant le prix du vrac au litre, certains petits vignerons qui font le travail dans les vignes et qui sont tous les jours dehors vont avoir du mal à s'en sortir s'ils n'augmentent pas les prix d'achat, ça c'est sûr. »

Autre inquiétude, le prix du foncier qui augmente et qui pourrait tripler en dix ans. « C'est une inquiétude et en même temps, c'est une satisfaction, ça veut dire que Côte-Rôtie et ces grandes appellations intéressent. Malheureusement, il faut aussi que la législation soit avec nous pour que d'une succession à un autre, les exploitations puissent être passées d'une génération à une autre. J'ai peur que dans certains endroits comme Bordeaux ou en Bourgogne de plus en plus d'investisseurs, étrangers ou grands patrons français, investissent dans les terres et domaines viticoles. C'est un peu  dommage qu'on perde l'héritage. Avec mon frère, on est la sixième génération. J'aimerais bien pourvoir donner ça un jour à mes enfants ans être taxé ou sur-taxé »

Retrouvez l'intégralité de l'interview ici.

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